Louise, la quarantaine, divorcée et sans enfant, vit seule à Annecy depuis la mort de sa mère. Elle rencontre Luigi un immigré italien de 20 ans venu faire fortune en France et lui offre l’hospitalité. Elle décide de l’entretenir et lui trouve un emploi. Peu à peu, elle s’attache à lui mais leur relation va être bouleversée par la différence d’âge, le poids des dettes de Louise et le regard des autres.
La version restaurée de Chère Louise, œuvre méconnue de Philippe de Broca réalisée en 1972, sort en ce moment sur les écrans français, après avoir été présentée au Cannes Classics 2021 et au festival Lumière 2021. Hélas, cette sortie est limitée à quelques salles seulement (Le Champo – Espace Jacques Tati).
Le film surprend en premier regard, non seulement à cause de son sujet de départ audacieux et de l’approche féministe du cinéaste, mais aussi par sa réalisation bien maitrisée et par son image soignée, particulièrement belle et captivante. Pour y parvenir, Philippe de Broca s’est entouré de grands professionnels du cinéma français de l’époque: Jean-Loup Dabadie scénariste et dialoguiste, Georges Delerue compositeur, Jeanne Moreau actrice principale… La musique de Georges Delerue, douce-amère et romantique à la fois, marque le spectateur: il s’en dégage une véritable puissance émotionnelle.
Le travail de Ricardo Aronovich, chef opérateur d’origine Argentin, est également inoubliable (Il a travaillé avec Raoul Ruiz pour son adaptation de Proust, Le Temps retrouvé).
Devant le décor sublimé du lac d’Annecy (très peu vu au cinéma par ailleurs), une femme – seule et en deuil – croise le chemin d’un jeune homme étranger. Philippe de Broca a fait le choix de raconter cette histoire d’amour troublante d’un point de vu totalement féminin et de mettre le personnage de Louise – magnifié par Jeanne Moreau – au centre du récit. Nous observons de près les émotions de cette femme atypique et indépendante, son besoin d »échapper à la solitude, sa fragilité et son pouvoir de femme face à Luigi, sa capacité à accepter une relation tragique et sans avenir – même de s’en amuser.
Le film prend son temps et se concentre sur des détails, ce qui nous aide à comprendre l’évolution de l’état d’esprit des deux amoureux au fur et à mesure que leur relation avance. D’une façon subtile, les objets et les couleurs font écho aux envies et aux univers personnels des personnages, comme par exemple la cravate rouge de Luigi qu’il achète avec ses derniers sous dès qu’il arrive en France; l’objet qui devient le symbole de son désir de changer son destin. Ou le chapeau décoré et ridicule que Luigi offre à Louise qu’elle n’hésite pas à porter en public. Le comportement de Louise face à cet objet nous montre comment elle sort du lot dans cette petite ville, qu’elle mène une vie libre, et que les jugements des autres n’ont aucune valeur pour elle.
Ce film intimiste reste une œuvre très singulière dans la carrière de Philippe de Broca, différent du reste de sa filmographie, et mérite d’être vu et revu…