Inédit en France, Mysterious object at noon est le premier long-métrage d’Apichatpong Weerasethakul. Réalisé en 2000 et récemment restauré par la Film Foundation de Martin Scorsese, ce film expérimental bénéficiera enfin d’une distribution en salles à partir du 27 janvier 2016.
Sillonnant la campagne thaïlandaise, une équipe de tournage demande aux personnes rencontrées en chemin de prendre la parole devant la caméra. Sur le principe du cadavre exquis, chacun invente successivement les péripéties d’un conte étrange. Celui d’un garçon infirme qui découvre un beau jour son institutrice évanouie et une mystérieuse boule sur le plancher. La boule se métamorphose et prend soudain les traits d’un petit garçon…
C’est durant trois mois en 1997, que le cinéaste réalisa les prises de vues de ce film au cours d’un voyage dans sa Thaïlande natale, depuis Bangkok que nous quitterons rapidement au profit des campagnes du sud. Le premier témoignage, poignant, est celui d’une femme vendue par son père à son oncle pour régler le montant de son retour en bus… Pour catharsis, le réalisateur lui propose de débuter ce cadavre exquis en racontant une histoire, authentique ou imaginaire.
Par un travail de montage, que nous imaginons long et conséquent, une fable surréaliste naît des différents témoignages. A l’hétérogénéité des histoires racontées s’ajoute celle de la narration composée de séquences jouées, racontées, chantées (pièce de théâtre) ou muettes mais aussi d’extraits d’émissions TV. La caméra tenue à distance des protagonistes impose aux spectateurs une certaine distanciation. Toujours en plans fixes, elle se montre plus intimiste durant les interviews réalisés en face-à-face.
Façon road trip, le rythme du film est intelligemment cadencé par l’incrustation des scènes filmées durant les trajets (principalement en voiture et en train). Façon film muet, les cartons explicatifs découpent le film en chapitres. Dans le dernier tiers du film, ces cartons seront remplacés par deux jeunes filles s’exprimant en langage des signes.
Le surréalisme de l’histoire qui nous est racontée est renforcé par le beau noir et blanc légèrement surexposé dans lequel se drape ce cadavre exquis. Ce procédé permet de gommer progressivement l’espace temps dans l’esprit des spectateurs. La perte de ces repères temporels sera totale à l’apparition de ce que nous pourrions qualifier de pré-générique de fin, dix minutes avant le véritable générique final !
Apichatpong Weerasethakul nous livre un long métrage hétéroclite qui, tel qu’il l’a déclaré, « ne visait pas l’unification d’un sens ou d’une forme« . Dans ce premier film, nous voyons naître les attributs de son cinéma organique : lyrisme, mystère, narration non linéaire, mise en scène épurée.
Mysterious object at noon est un mystérieux objet filmique, première pièce d’une oeuvre unique et fascinante à l’image de la singularité du regard cinématographique de son auteur.