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Le trésor Prix Un Certain Regard 2016, un joyau ?

Le Trésor de Corneliu Porumboiu


France/Roumanie, 2016, 1:29, vostf – Avec Cuzin Toma, Adrian Purcarescu, Corneliu Cozmei
À Bucarest, Costi est un jeune père de famille accompli. Le soir, il aime lire les aventures de Robin des bois à son fils de six ans. Un jour, son voisin lui confie qu’il est certain qu’un trésor est enterré dans le jardin de ses grands-parents ! Et si Costi acceptait de louer un détecteur de métal et de l’accompagner pendant une journée, il serait prêt à partager le butin avec lui. D’abord sceptique, et en dépit de tous les obstacles, Costi se laisse finalement entraîner dans l’aventure…
Grand Prix Un Certain Regard, Festival de Cannes 2015

Corneliu Porumboiu fait clairement partie des réalisateurs avec lesquels il va falloir compter ces prochaines années. Il accompagne d’autres réalisateurs tels Cristi Puiu – prix Un Certain Regard  à Cannes 2005 pour La mort de Dante Lazarescu –Radu Muntean Mardi, après Noël (2010) et Un etaj mai jos (2015) en compétition Un Certain Regard notamment, Christian Mungiu – auteur par exemple du très beau Au-delà des collines en sélection officielle à Cannes en 2012 qui obtint outre le prix du scénario le prix d’interprétation et Palme d’or 2007 avec 4 mois, 3 semaines, 2 jours, dans ce que l’on nomme la nouvelle Vague du cinéma roumain. Après avoir reçu la caméra d’or pour son premier film, 12H08 à l’est de Bucarest, Corneliu Porumboiu a lui aussi reçu le très prisé et au combien disputé Prix Un Certain Regard 2016, pour Le Trésor qui sort en salle ce mercredi 10 Février 2015.

Il faut signaler que les salles combles roumaines de la période communiste ne sont plus qu’un lointain souvenir. A cette époque, sous la dictature  de Ceausescu, le cinéma était l’un des seuls divertissements offerts à la population,  sous contrôle.

Les réalisateurs interrogent les mutations de la société roumaine et se retrouvent  en phase avec la mentalité du pays : un mélange de défaitisme et de farniente doublé d’un humour décapant, mettant en scène une société post-totalitaire inévitablement attirée par le mirage de l’occident. Un style également se dégage: minimalisme et emploi original de la caméra, refus de l’ellipse et de toute forme de partition musicale pré-écrite, jeu d’acteur hyperréaliste.

Le Trésor, le nouveau film de Corneliu Porumboiu a reçu, outre le Prix un Certain Regard, une critique dithyrambique lorsque le film fut projeté à Cannes. Il faut dire que cette année, les critiques étaient un peu mort de faim et cherchaient le chef d’oeuvre que la sélection officielle avait oublié de leur proposer, preuve en est de la Palme finalement peu contestée reçu par Jacques Audiard et Dheepan.

Alors qu’attendre de Le Trésor ?

En premier lieu, les amateurs de sensation forte seront déçus, Le Trésor est un film très grand public, qui peut être vu par le plus grand nombre. Il s’agit bel et bien d’une fable qui traite en profondeur (le Trésor est bien enfoui, à plus de 2 mètres de profondeur au moins) de sujets métaphoriques, en l’occurrence l’histoire politique de la Roumanie. La petite histoire est toute entière un miroir de la grande Histoire.

Les distributeurs ont choisi de mettre en avant la drôlerie du film. Pour notre part, nous tenons à avertir nos lecteurs, ne vous attendez surtout pas à un film comique, pas même à une comédie. Aucune tarte à la crème ici ! Vous trouverez bien sûr quelques scènes burlesques qui prêtent à sourire, mais qui participent bien plus à une réflexion, voire à une tradition roumaine (Ionesco étant la figure la plus à interroger peut être – eut égard notamment au trouble qui subsiste sur son passé pendant la guerre).

Le rythme du film est très carré, linéaire, avec une première partie principalement intérieure, une seconde partie extérieure. Les scènes sont parfaitement découpées, le fond du film se développe à mesure que nos deux héros, qu’en apparence tout oppose, Costi et Cornel, creusent au pied d’un arbre dans un jardin d’une maison de la campagne abandonnée en banlieue de Bucarest. Leurs conversations d’apparences anodines sont le parfait miroir de la société roumaine, de ce qu’elle est, de ce qu’elle fut, de ce qu’elle a perdu, oublié en chemin ou traversé. Les conflits d’intérêts, la quête frénétique du gain immédiat, face à une situation économique désastreuse, une administration inefficace, l’opposition entre l’intellectualisation – la folie, et le labeur – l’abêtissement.

La force de Le Trésor réside là où on ne l’attend peut être pas, dans sa deuxième lame. C’est en effet en revenant sur le film, sur les réflexions qu’il nous a fait mettre, en se disant – mais bon sang, c’était bien sûr-, en se remémorant le pouvoir évocateur des scènes d’ouverture et de fin, toutes deux au combien allégoriques, que l’on mesure tout le soin que Corneliu Porumbiou a mis pour ne retenir de son histoire que les seuls éléments utiles à ce que cette réflexion naisse. En cela, il invite le spectateur à ne pas se laisser prendre au piège du message, au contraire, il invite à ce que chacun se fasse sa propre idée, qu’il perçoive ou non la subtilité évocatrice. Peut être un moyen pour lui de toucher son public, qu’il aimerait roumain avant tout, sans vraiment l’avouer.  Interrogé par le public sur le sens de son film, Corneliu Porumbiou évite le sujet, dans ce qui peut sembler une forme de politesse, d’éducation ou d’obligation et qui est effectivement une obligation, celle de ne pas dévoiler ses ficelles pour que la magie opère.

Nous vous invitons évidemment à découvrir Le Trésor,  Julie Gayet et Sylvie Pialat ne s’y sont pas trompées en le co-produisant, et qui mieux que Corneliu Porumbiou lui même pour vous en convaincre ?

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