Ours d’argent du Meilleur Réalisateur à la Berlinale 2020, le dernier film d’Hong Sang-Soo est sorti en DVD chez Capricci le 2 février 2021. Pour l’occasion, Le Mag Cinéma vous propose de revenir sur ce film.
Pendant que son mari est en voyage d’affaires, Gamhee se retrouve seule pour la première fois depuis cinq ans et décide de rendre visite à trois de ses anciennes amies. À trois reprises, un homme surgit de manière inattendue et interrompt le fil tranquille de leurs conversations…
Pour beaucoup les films d’Hong Sang-Soo se suivent et se ressemblent. Mais si après Hotel By The River et Grass, le réalisateur revient à la couleur, La femme qui s’est enfuie -vingt-quatrième film du prolifique réalisateur- apporte par de multiples aspects un renouveau au sein de sa filmographie.
Le film nous propose un triptyque qui explore l’univers féminin. L’intimité des logements dans lesquels se réfugie Gamhee- interprétée par l’actrice phare du réalisateur, Kim Min-Hee– ressemble à une parenthèse vis à vis du monde extérieur et de ses tracas. La parole est centrale dans ce long-métrage, les conversations semblent triviales, voire dérisoires. Les différentes actrices ne semblent pas réellement jouer mais vivre d’une manière naturelle et décomplexée.
A travers des plans fixes et sa technique de zoom et dé-zoom que l’on ne présente plus, Hong Sang-Soo filme les retrouvailles d’amies sans peine et sans drama. Malgré le temps passé, les amitiés se réaffirment autour des souvenirs communs abordés tel un point d’ancrage et se consolident autour des nouveautés à raconter.
Qui est la femme qui s’est enfuie ? C’est la question qui se pose à nous autour de ce long-métrage. La question n’est pas tranchée : si nous pouvons penser à l’histoire de la voisine partie une nuit, toutes ces femmes présentes semblent avoir fui quelque chose dans le retour à la solitude à travers un divorce ou le départ d’un conjoint pour voyage d’affaires.
Le format du film, décomposé en trois parties, ne semble pas vouloir rejouer une histoire de manières différentes à l’instar d’Un jour avec, Un jour sans, mais au contraire, explore trois étapes autour des questionnements intérieurs de Gamhee : le besoin de maturité, apporté par Young-Soon -interprétée par Seo Young-Hwa -, la vivacité apportée par Su-Young -Seon-mi Song- et la compréhension, apportée par Woo-jin que nous pourrions davantage qualifier de rivale que d’amie -interprétée par Saebyuk Kim. Les trois interruptions masculines quant à elles apportent respectivement humour, violence quant au refus du rejet amoureux et acceptation de ce « deuil » amoureux.
En créant un espace intime réservé aux femmes, Hong Sang-Soo pointe les aspects machistes de la société sud-coréenne, où les hommes apparaissent ici comme troublant une harmonie féminine.
Le message de ce long-métrage se trouve probablement dans la mise en abime finale : Gamhee semble se retrouver elle-même après toutes ces étapes d’acceptation dans la solitude d’une salle de cinéma projetant à l’écran les images de vagues apaisantes.
A travers la simplicité de la mise en scène et le rythme de ce long-métrage, La femme qui s’est enfuie s’apparente à l’un de ces films qui nous semble parler de tout et de rien à la fois, nous laissant un goût mélancolique dans la bouche, et auquel nous revenons plus tard.