Il y a des films qui nous font rire, d’autres qui nous touchent en plein cœur. Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan réussit l’exploit de faire les deux à la fois. Inspiré de la véritable histoire de Roland Perez, ce récit mêle tendresse, humour et drame avec une justesse qui force l’admiration. On pourrait s’interroger en découvrant le titre… Ces trois éléments si distincts peuvent-ils coexister harmonieusement dans un même récit ? Le doute est vite dissipé. Le film tisse un fil rouge entre ces piliers de la vie de Roland avec une fluidité remarquable.
Tout repose sur une promesse : celle d’Esther à son fils. Lorsqu’elle met au monde Roland en 1963, elle découvre qu’il est atteint d’un pied-bot. Hors de question qu’il soit condamné à une vie entravée. Contre l’avis des médecins et de son entourage, cette mère décide que son fils marchera comme les autres. Mieux encore : il aura une vie extraordinaire. Une croyance inébranlable, portée par sa foi en Dieu… et par Sylvie Vartan, l’idole de Roland, qui incarne pour lui un ailleurs scintillant, loin du carcan familial.
Autre point fort du film : sa représentation d’une famille marocaine juive, une communauté peu montrée au cinéma. À une époque où les tensions identitaires et religieuses sont exacerbées, voir cette histoire traversée par la culture judéo-marocaine apporte une richesse et une humanité précieuses.
Il faut dire que Leïla Bekhti impressionne dans le rôle d’Esther. Elle est tour à tour bouleversante, exaspérante et drôle, incarnant avec une intensité saisissante cette mère omniprésente, dont l’amour est à la fois un moteur et un poids. Son maquillage de vieillissement, d’un réalisme bluffant, accentue encore la puissance de son jeu au fil du film. Face à elle, Jonathan Cohen surprend. Habitué aux rôles comiques, il dévoile ici une profondeur et une émotion rares. Son Roland, tiraillé entre admiration et suffocation, cherche à se libérer d’une mère qui lui a tout donné, sauf la possibilité d’exister par lui-même.
Et c’est là que le film frappe juste : en montrant comment l’amour maternel, aussi puissant soit-il, peut parfois tout englober, jusqu’à étouffer ceux qu’il veut protéger. À force d’être omniprésente, Esther a-t-elle laissé une place aux autres ? Que reste-t-il des autres liens relationnels quand une mère occupe tout l’espace ? Et comment se construit-on sous une telle ombre ? Ces questions traversent le film, donnant lieu à des moments d’une justesse bouleversante. Autant d’interrogations qui résonnent bien après la projection.
Si le film souffre de quelques longueurs en début de récit, et d’une scène maladroite où une intelligence artificielle tente malhabilement de rajeunir Sylvie Vartan, ces défauts sont vite éclipsés par la force du propos et la sincérité de l’interprétation. Le tout est servi par une mise en scène qui regorge de couleurs, d’énergie et de musique yéyé, nous plongeant pleinement dans les années 60. Ces choix sont efficaces, et savent quand appuyer l’émotion sans jamais sombrer dans le pathos.
Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan n’est pas seulement un film sur la relation mère-fils. C’est une histoire de transmission, de rêves inachevés et d’émancipation tardive. Un récit qui touche par son humanité, et qui nous rappelle que l’amour, même dans son excès, reste le plus beau des héritages.