Après la réalisation de plusieurs courts-métrages dont L’accordeur en 2010, Olivier Treiner livre son premier long-métrage titré Le tourbillon de la vie. Il peut être dessiné un lien entre L’accordeur qui tirait le portrait d’un accordeur de pianos aveugle et ce film dont l’héroïne prénommée Julia et incarnée par Lou de Laâge est une jeune pianiste de talent promise à une brillante carrière artistique.
Les grands tournants de notre existence sont parfois dus à de petits hasards. Si Julia n’avait pas fait tomber son livre ce jour-là, aurait-elle croisé Paul ? Ou sa vie aurait-elle pris une toute autre direction ? Nos vies sont faites d’infinies possibilités. Pour Julia, il suffit d’un petit rien tellement de fois ; tous ces chemins qu’elle aurait pu suivre, toutes ces femmes qu’elle aurait pu être… Choisit-on son destin ? A quoi tiennent l’amour ou le bonheur ?
Olivier Treiner alimente son premier long-métrage d’une ambition énorme : retracer la vie de Julia de ses 17 ans (1989, chute du mur de Berlin) jusqu’à ses 80 ans. Plus ambitieux encore, le cinéaste décline cet objectif à travers quatre Julia. En effet, en rejouant à l’écran quelques moments clés de la vie de Julia et en faisant emprunter à ces instants existentiels des cheminements différents ce sont bel et bien quatre destins distincts qui sont mis en images. Pour autant, Le tourbillon de la vie n’est pas découpé en quatre parties distinctes. Les destins de Julia sont en effet portés à l’écran en parallèle pour sans cesse se croiser.
L’entreprise est périlleuse et complexe, le film qui en résulte est d’excellente facture. Il y a d’abord une écriture scénaristique qu’on imagine longue et complexe. Comment en effet restituer quatre vies en deux heures et rendre le tout compréhensible et crédible ? Une des réponses apportées par Treiner réside dans la composition de séquences qui pour certaines viennent alimenter le fil narratif de la Julia identifiée à l’écran mais aussi celui d’un ou plusieurs autres de ses destins possibles. Au-delà d’identifier le point de départ narratif de chacun des quatre destins, pour ses spectateurs, un autre aspect ludique du Tourbillon de la vie sera d’identifier la scène où les quatre Julia se « rencontrent ».
Une complexité de même ordre pour ce type de long-métrage réside dans son montage technique. Il y a d’abord la nécessité de faire tenir en deux heures ce qui aurait pu être décliné en une mini-série. La solution consiste ici à sacrifier des (bouts de) séquences sans nuire à l’intelligibilité du métrage. Mais pour que l’ensemble forme un tout, il faut que les lignes de séparation entre les quatre fils narratifs soient les moins visibles possibles. Le montage technique du Tourbillon de la vie fait à quatre mains par Valérie Deseine et Camille Delprat rivalise avec l’écriture scénaristique tant dans son ingéniosité que dans sa précision. Les quatre narrations ne paraissent qu’une à l’écran et, par l’entremise de ce montage technique efficient, les possibles moments de confusion narrative disparaissent comme par magie.
Enfin, Le tourbillon de la vie est servi par un casting de qualité. Isabelle Carré, Grégory Gadebois, Raphaël Personnaz et Denis Podalydès notamment livrent des prestations de qualité. Pour sa part, Lou de Laâge brille dans un rôle complexe car multiple, central et balayant une période longue d’une soixantaine d’années. La jeune actrice rend son personnage crédible quel que soit l’âge de celui-ci à l’écran. Elle confirme, si cela est encore nécessaire, tout son talent d’actrice.