Jérémie, la trentaine, décide de quitter Paris et de se rendre sur sa terre d’origine, le Limousin, où il va tenter de se réparer auprès de sa mère… Un film d’inspiration autobiographique où le réalisateur incarne le personnage principal, avec aussi Nathalie Baye, Arnaud Valois, Laure Calamy.
Nicolas Maury s’est fait remarqué ces dernières années dans le paysage du cinéma français, que ce soit au cinéma, dans des films de Patrice Chéreau, Noémie Lvovsky, Olivier Assayas, Philippe Garrel, Emmanuelle Bercot, Rebecca Zlotowski, Eva Ionesco, Valeria Bruni Tedeschi, Riad Sattouf, Yann Gonzales notamment, mais aussi à la télévision dans la série de Fanny Herrero et Dominique Besnehard 10 pour cents. Sa voix toute fluette, sa fragilité marque les esprits rapidement, comme ses interventions toujours pleines d’à propos en conférence de presse à Cannes, ou en interview. Sa cinéphilie n’est pas feinte, l’homme voue un attachement très particulier au cinéma, et il en parle avec une profondeur d’analyse et une sensibilité qui fait plaisir à entendre, à une époque où la critique tend à s’appauvrir, où la parole est plus volontairement donnée dans les médias à des promoteurs – souvent au large sourire – plutôt qu’à des passeurs de passions, de connaissances, faisant preuve d’exigences dans leur goût, et volontiers dirigés vers des sentiers désormais moins battus.
Notre curiosité de découvrir ce que pouvait donner le passage derrière la caméra de Nicolas Maury était d’autant plus aiguisée que son film avait été retenu en sélection officielle Cannes 2020, même si cette dernière semblait quelque peu élargie – notamment pour les films français – dans les circonstances que l’on connaît.
Avec Garçon-chiffon, au titre attractif, le réalisateur débutant se livre à un exercice psychanalytique, comme ont pu le faire avant lui quelques grands réalisateurs tels Pedro Almodovar, Nanni Moretti, Woody Allen, Xavier Dolan – à degré moindre Yvan Attal– pour citer quelques uns de ceux qui excellent dans ce genre.
Si Nicolas Maury ne parvient objectivement pas aux mêmes incandescences, fulgurances, si son cinéma reste à parfaire et son génie à démontrer, le travail ici proposé reste très honnête. La caméra lui permet de s’exprimer, de mettre des mots et des images sur un certain lui, fictif probablement, mais que l’on imagine très fortement inspiré de sa propre expérience de vie. Il rend une copie certes narcissique, mais dont se dégage une sincérité plutôt touchante, et par effet de rebond, une vérité. Le portrait individuel, mais aussi le portrait familial, saisissent.
Comme chez Dolan, la mère (interprétée par Nathalie Baye), et plus précisément la relation mère fils, occupe une place importante, plus particulièrement dans la seconde partie du récit.
La première partie quant à elle expose le personnage, sa nature fragile, son désarroi, sa désorientation et sa jalousie maladive. La mise en scène se fait dans l’ensemble plutôt discrète, pour mieux se recentrer sur la situation sentimentale, et ne pas trop écarter le spectateur des tourments du personnage principal. La tentation aurait pu être forte pour Nicolas Maury d’y aller de nombreuses références, de vouloir en mettre plein les yeux, il choisit au contraire, à l’exception d’une référence à Noces Blanches de Jean-Claude Brisseau – et in fine à Vanessa Paradis dont il fut très fan- de miser sur la discrétion et un matériau qu’il recèle en lui, et dont il ressent le besoin de parler au plus grand nombre.
Nicolas Maury était désespéré, presqu’effondré lorsque la diffusion du film en salles de Garçon Chiffon fut brusquement arrêtée en Octobre dernier. Dans les médias, il s’est depuis réjoui que le film obtienne une seconde chance, qui plus est dans un nombre de salles plus important. Chance qu’il vous ait également donné de faire connaissance avec Nicolas Maury, ce jeune cinéaste.