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Get on up – pour James Brown, pour sa musique

Mick Jagger à Deauville. Un soir de festival ordinaire qui n’en est plus. Presse badgée (force jaune) et sur-badgée (force rouge) se bousculent au portillon. Ces derniers sont importants vous comprenez. Ils travaillent pour des groupes d’importance. Ils passent devant les forces jaunes, se hâtent, se bousculent, haussent le ton au passage pour les plus fans ou pressés. Les moins civilisés narguent les bousculés énervés, le plus souvent de façon peu élégante hormis quelques raffinés, dans un stress environnant, leurs privilèges, mince, leurs privilèges ! Il y a deux catégories de journalistes, les méritants, puissants mais à raison, et les méprisables, impuissants mais à quoi bon ? Les premiers daignent se déplacer à Deauville pour la conférence de presse de l’une des personnes les plus influentes du milieu du Cinéma – sic – du Rock venu présenter Get On Up, les seconds sont là pour couvrir le festival, le plus souvent, ou pour obtenir un autographe eux aussi après tout.

Mick jagger à Deauville – @jc helaine

Le protocole se charge de hiérarchiser, de sécuriser tout cela. Au final, l’hérésie passée, tout ce beau monde se mêle comme par enchantement dans une salle de presse hyper protégée des regards, les photos sont interdites, vous vous en doutez. Les questions fusent, la star surprend, alterne entre volonté d’être sympathique, sourires, français très chantant, et réponses sèches, regards directs. On ne peut ceci dit que donner raison à Mick Jagger, quand il souhaite que son statut (star, icône, demi Dieu ?) serve la cause et non l’occulte, il n’est pas là pour pousser la chansonnette, monopoliser l’ensemble des questions, ni même voler la vedette à Chadwick Boseman, l’acteur principal et à Tate Taylor, le réalisateur de Get On Up. Tant pis pour certains journalistes qui se voient retirer le micro de façon quelque peu humiliante, car ils n’avaient d’yeux et de questions que pour la légende vivante.

Get On Up retrace le parcours de James Brown, autre légende, défunte, que Sir Mick Jagger a bien connu. Il ne pouvait qu’accepter de participer à ce projet, que ce soit en tant que producteur, ou en contribuant à l’écriture. Il n’apparaît pas à l’écran, laissant un jeune acteur incarner son propre personnage.

La magie de l’écran et du maquillage ne peut pas tout … Mais nous nous égarons, le sujet ce n’est pas Mick Jagger, c’est James Brown. Jaaaamesss  Broooown ! avec l’accent, la grimace nécessaire pour l’avoir, et le temps d’arrêt entre le prénom et le nom. James Brown vous dit-on. Monsieur Dynamite en personne. La parrain de la soul himself !

Et si vous voyez Get On Up, vous comprendrez pourquoi on insiste ! James Brown jeune, James Brown en survêtement vert, James Brown en prison, James Brown violent, James Brown ambitieux, James Brown révolté, James Brown mégalomane et tyrannique, James Brown sur scène, dans toute sa gloire et sa beauté, grandeur et décadence.

Une vie mouvementée pour un biopic qui ne l’est pas tant. Refusant le code du genre, ce qui est très surprenant de sa part, Tate Taylor, le réalisateur du très sirupeux et oscarisé La couleur des sentiments, prend des risques dans la forme, probablement parce qu’il s’attaque à un sujet fort, et qu’il sait qu’on ne lui pardonnera pas de le traiter trop sobrement, trop classiquement. Il abandonne donc la structure de récit linéaire, préférant apporter un éclairage personnel, qui vise à rapprocher James Brown star toute puissante de James Brown enfant d’un père violent, abandonné par sa mère, livré à lui-même et à son destin, et quel destin !

La force du récit se veut là, dans l’interprétation très travaillée et honnête de Chadwick Boseman mais aussi dans le jeu de miroir instauré par Taylor entre la star et le spectateur. Regard caméra, le personnage de James Brown commente le récit, se confie presque au spectateur comme s’il parlait à un tiers de confiance.

Pourtant, et quoi que nous ne puissions que louer cette intention de réalisation, l’effet produit n’est pas nécessairement celui recherché, et là où le film gagne en esthétique, il le perd en puissance émotionnelle, à en regretter presque – est-ce possible que l’on écrive cela ? –  la bonne vieille structure narrative du biopic, qui, de la difficulté, à l’ambition mène au triomphe et à la grandeur, puis bascule doucement ou violemment, c’est selon, vers la décadence.

Certes, nous n’en sommes pas si éloignés, certes les éléments sont là, dans le désordre, mais le rythme n’y est pas forcément. La faute à une certaine retenue, à une volonté manifeste de ne pas trop écorcher le mythe, à plaire à ceux qui aiment James Brown musicien comme à ceux qui rejettent l’homme.

Nous ressentons alors une certaine gêne, que l’on peut également ressentir dans des films comme Ray, sur Ray Charles, ou même Coluche, l’histoire d’un mec de De Caunes. Il ne s’agit sciemment pas de taire les mauvais côtés de l’homme, mais en faisant le choix de ne pas les replacer dans leur contexte, d’en saupoudrer le récit, en leur accordant une place soit trop grande, ou au contraire trop petite, il n’en ressort que des images stéréotypées, qui semblent presque caricaturales, déracinées, qui manquent de vérité, de nuances.

Les omettre eut été probablement angélique, ou affabulatoire. L’osmose n’y est pas.

Cela est d’autant plus regrettable que l’on ne peut reprocher à Get On Up de ne pas être un film musical.  Le deuxième personnage après James Brown est bien la musique de James Brown, omniprésente, rageuse, qui dénote avec l’énergie du film en lui-même.

Allez-y donc, comme vous seriez allés à un concert de James Brown, pour la musique !

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