L’insulte de Ziad Doueiri, à qui l’on doit notamment Lila dit ça, propose un sujet fort et universel. La société de production de Julie Gayet Rouge International ne s’y est pas trompé en retenant ce projet. Retenu en sélection officielle à Venise, l’état actuel du monde, les résonances liées, ont probablement influé le choix des organisateurs. L’insulte est un film « sujet » bien plus qu’un film « objet ».
Pour qui s’y intéresse, le Liban est un pays symbole, un bastion au milieu d’une poudrière, et qui a payé très cher cette position. Quatre religions y cohabitent, plusieurs langues sont officielles, l’influence française y résiste encore, la diaspora Libanaise est peut être l’une des plus célèbres. Sur place, on y sent de multiples influences, une peur très présente que les bombes ne reviennent, des conflits religieux lourd et une volonté de paix, une envie de parler et la nécessité de se taire, une complexité géopolitique évidente, où les grandes puissances occidentales comme orientales continuent de se livrer une guerre d’influence qui fut à l’origine du drame de ce pays doté par ailleurs de nombreux atouts, où mers et montagnes offrent des panorama splendides. Beyrouth se reconstruit et continue d’être détruite, vestige d’un temps passé et promesse entretenue d’un avenir meilleur, apaisé.
Le conflit religieux hante nécessairement tous les esprits, à commencer par celui de Ziad Doueiri qui se saisit avec l’insulte de ce sujet, partant d’un principe éprouvé, dresser le portrait d’un pays au travers d’une histoire de lutte entre deux hommes, entre deux couples.
Le réalisateur franco-libanais parvient ainsi à monter en épingle une dispute entre hommes, influencées par leurs femmes dans un sens ou dans l’autre, qui mènera jusqu’au procès à l’issue incertaine, où les influences, les appuis extérieurs, détourneront de la simple raison du cœur. Le procès mis en scène est assurément le procès virtuel d’un pays tout entier, la symbolique est forte et palpable.
Le style est emporté, le fracas sera crescendo. Pour autant, le regard porté est assurément apaisant; de nombreux signes ici ou là montrent l’intention du réalisateur de vouloir porter un message d’espoir, fut-il naïf ou simplifiant. Les plaies ne sont cependant pas toutes refermées, le simple fait d’évoquer des tensions encore vives suffit à attirer les soupçons, à éveiller la censure. Dés son retour de Venise, Ziad Doueiri, a reçu des menaces.
Qu’il est dommage que le terrain de l’art soit si miné, tant sa fonction est importante pour montrer, dénoncer, apporter un éclairage nouveau.
Ceci étant dit, revenons à l’insulte qui présente dans l’ensemble une belle intensité, mais aussi une efficacité rythmique – au niveau des dialogues notamment, malgré quelques moments de relâches, ou certaines situations qui font sourire quand le sujet mériterait probablement un traitement plus fin, plus subtil, comme peut par exemple le faire Ashgar Faradhi quand il évoque son pays.
L’insulte livre peut être un peu trop ses réponses, probablement pour faire ressortir un souffle pacifique, peut être par innocence. Ainsi, nous regrettons qu’il ne laisse pas suffisamment l’espace à ce que le spectateur se positionne, à trop le guider, mais dans l’ensemble nous retenons le sujet, l’impression d’ensemble d’un film alerte et intéressant, nullement parfait, mais de bonne facture.
L’un des acteurs principaux, – non professionnel – , de l’insulte, qui interprète Yasser s’est vu récompensé à Venise de la Copa Volpi du meilleur acteur – à sa plus grande surprise ! -, le jury ayant tenu à la symbolique.