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Le métier de journaliste, objet de fascination des réalisateurs

En 1899, George Méliès réalise le premier film politique au cinéma sur l’Affaire Dreyfus. Il s’agit de la mise en images du débat qui anime la presse et divise la société française, et tend à envenimer la situation.
Belle époque. Avec ce long métrage, les prémices de la relation entre le cinéma et le journalisme viennent de naitre. Ce lien ne va cesser de se développer jusqu’au chef d’œuvre d’Orson Welles, Citizen Kane en 1941, qui s’intéresse à la mort du milliardaire Charles Foster Kane, grand magnat de la presse, en suivant l’enquête d’un reporter.

Copyright RKO Radio Pictures Inc.

Le 7ème art devient alors un moyen d’amplifier les messages des journalistes, leur travail ou leurs grandes enquêtes. A considérer quelques œuvres américaines récentes, Spotlight de Tom McCarthy en 2015, Pentagon Papers de Steven Spielberg en 2017, nous pouvons nous demander pourquoi le métier de journaliste et le journalisme fascine les réalisateurs, voici quelques pistes …

Le journaliste, cet héros enquêteur

Les cinéastes, fascinés par le potentiel héroïque, l’abnégation et le courage des journalistes, leur valeur de contre pouvoir et de justiciers, construisent parfois leur intrigue sur cette seule figure. Le film Spotlight de Tom Mc Carthy sorti en 2015 possède pour mot d’ordre : « Peu importe l’adversaire qui cache la vérité, il faut la révéler ». Spotlight retrace le travail de la cellule d’investigation de journalistes du Boston globe qui a brisé l’omerta concernant le rôle de la toute-puissante Eglise concernant les abus sexuels des prêtres. Une thématique assez similaire peut être traitée sous différents angles, notamment intime, détaché de toute tentation spectaculaire, comme s’y attache François Ozon dans Grâce à Dieu. Tom Mc Carthy, de son côté, captivé par la figure du héros enquêteur journaliste , raconte l’histoire de simples citoyens indignés, courageux parvenus à révéler l’un des plus grands scandales aux Etats-Unis, par le prisme de l’enquête héroïque car empêché. Le choix des acteurs s’attache à faire ressortir le côté héroïque du journaliste et parfois n’hésite pas à en jouer… En effet, Michael Keaton, Mark Ruffalo, Liev Schreiber, tous les trois ont pu interprétés des super héros dans d’autres films.   

Copyright Open Road Films

Les différents plans d’ensemble de situation de la rédaction avec les nombreux papiers qui dépassent des bureaux permettent aussi à Tom Mc Carthy de montrer comment une cellule d’investigation travaille. Ils témoignent de son attrait pour le côté labyrinthique et minutieux de l’enquête. Mc Carthy tente de s’appuyer sur un principe simple, nous permettre de nous identifier aux personnages en assistant à l’assemblage des pièces du puzzle. Il transmet sa fascination pour le métier de journaliste et implique le spectateur dans l’enquête, la narration (le spectateur mène son enquête contradictoire). De plus, la photographie sombre permet de représenter les parts de mystère de l’investigation, en miroir des zones d’ombre de l’enquête.

Dans le film Zodiac, le réalisateur David Fincher s’intéresse à la figure d’un journaliste enquêteur, qui en devient fou, interprété par Robert Downey Jr., puis à celle du dessinateur (Jake Gyllenhaal) qui prend la relève dans l’affaire. Figures qui illustrent parfaitement le côté obsessionnel des médias quand il s’agit d’affaires judiciaires défrayant la chronique. Dans cette catégorie de thriller, où nous retrouvons la figure du journaliste investigateur, entrent par exemple Seven du même David Fincher, Les Nuits de Mashhad d’Ali Abbasi, The Ghost Writer – avec Ewan McGregor, Pierce Brosnan – ou encore Jugé coupable de Clint Eastwood

Copyright D.R.

Pour clôturer cette mini-sélection de films sur les journalistes enquêteur, nous nous devons de citer le classique d’Alan J. Pakula, Les Hommes du président, qui explore les sept premiers mois de l’affaire du Watergate.

Le métier de journaliste permet aux réalisateurs d’aborder le sujet de la liberté d’expression

Réaliser des films sur la défense de la liberté d’expression dans le monde du journalisme permet parfois aux cinéastes de mettre en avant des combats qui les touchent personnellement. Ainsi, Pentagon Papers réalisé en 2017 par Steven Spielberg illustre ce parti-pris et relate comment le Washington Post avait décidé de publier des dossiers secrets du gouvernement au sujet de l’enlisement de la guerre au Vietnam.

Copyright Universal Pictures International France

Lors de la tournée de promotion de Pentagon Papers Spielberg a affirmé avoir ressenti, « un sentiment d’urgence à réaliser Pentagon Papers », il souligne que, « nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, sont affamés et assoiffés de vérité », en référence aux tensions envers la presse aux Etats-Unis, et pour évoquer la situation et des combats présents.

Pour son 31ème film, Steven Spielberg questionne la place de la femme dans la société, et en extension dans le journalisme. Katherine Graham directrice du Washington Post, interprétée par Meryl Streep, devient l’épicentre des plans. Spielberg choisit de la filmer en plan fixe tandis que la caméra suit Tom Hanks en perpétuel mouvement. La décision centrale de l’histoire, prise également par la directrice du Washington Post (également productrice du film), de publier ces documents, provoque un séisme aux Etats-Unis. Seul un personnage charismatique, ayant les épaules fortes, peut assumer cette décision. Spielberg y trouve un motif de puissance qui sert son film. Le plan d’ensemble magnifique sur la salle d’impression du journal du Washington Post sur le sujet des Pentagon Papers, impressionnant, représente la victoire d’une presse libre.  

Le film Reds de Warren Beaty évoque aussi le sujet de la liberté d’expression, à travers l’histoire authentique de John Reed, un journaliste militant communiste américain qui a couvert la révolution russe d’octobre 1917. Ensuite, il rédigea le bestseller, Dix jours qui ébranlèrent le monde. Autre long-métrage qui met en avant la nécessité d’une presse libre : L’Ombre de Staline d’Agnieszka Holland. Ce long-métrage raconte une partie de la vie du brillant journaliste idéaliste britannique, Gareth Jones qui risqua sa vie, en dévoilant en 1933, le déroulement du terrible génocide (Holodomor) par la faim organisée par Staline en Ukraine.

La profession de journaliste comme mise en abyme du métier de réalisateur

Par ailleurs, le lien entretenu entre les cinéastes et le journalisme peut aussi parfois s’expliquer par la ressemblance les deux métiers. Salvador d’Oliver Stone, sorti en 1986, propose ainsi une véritable mise en abyme du cinéaste qui filme tout comme le personnage principal Richard Boyle (James Woods), journaliste de guerre prenant des photos du conflit civil au Salvador. Bien avant lui Buster Keaton s’en amusait dans le cameraman.

La dure réalité du métier de reporter de guerre bien représentée dans le long métrage d’Oliver Stone, qui n’épargne rien aux spectateurs avec de nombreux plans d’ensemble sur des piles de cadavres auxquels Boyle et John Savage, autre photo-reporter, font face. Puisque le journaliste de guerre voit tout, la caméra nous montre tout. Le film plonge le specateur au cœur de l’horreur. Oliver Stone a écrit le scénario avec le véritable Richard Boyle journaliste, photographe et auteur américain. Les écrits et l’histoire de ce journaliste l’ont inspiré pour la réalisation. Le métier de reporter de guerre a également inspiré Antonioni (profession reporter, qui s’intéresse à la vie sans repère de son héros, à sa perte d’identité), Winterbottom (Welcome To Sarajevo), Sharunas Bartas (Frost), Danielle Arbid (Un homme perdu) ou récemment Guillaume de Fontenay avec Sympathie pour le diable à la mémoire de Paul Marchand.

Une fascination pour le fonctionnement interne du journalisme

En 2021 au Festival de Cannes, le film The french dispatch traitait du journalisme en France rêvée par Wes Anderson. Le film nous transporte dans la vie d’un hebdomadaire fictif et le quotidien de ses journalistes, hauts en couleur.

The French Dispatch ©

Cette même année 2021, très loin de la fantasmagorie Andersonnienne, Bruno Dumont proposait lui, avec France, sa vision au scalpel sur les dérives qui peuvent entraîner des journalistes, âmes égarées, qui oublient leur mission première, aveuglées par la recherche du buzz à outrance, du coup médiatique, vers un renversement de valeurs, une fascination morbide, en première pierre d’une perte de sens existentiel, si symptomatique de notre époque.

Chercher à déterminer l’ensemble des raisons motivant l’abondance de films traitant du journalisme ne peut s’arrêter à ces quelques exemples. Appliquer une classification, mériterait une thèse tout entière, et nous n’en avons pas ici l’intention, juste, nous donnons un éclairage sur quelques motifs indéniables.

Nous vous proposons ci-dessous une liste entretenant ce lien:

Les films qui parlent du métier de journaliste et pour certains de ses abus

Les films qui mènent une enquête via un journaliste et dénoncent des scandales

Les films qui utilisent des journalistes pour parler de l’histoire d’un pays

Les films qui se servent du journalisme pour dresser des portraits

Les films qui dressent des portraits de journalistes:

Les films avec des journalistes emprisonnés:

Les thrillers ou films noirs où les journalistes mènent l’enquête:

Les films où des journalistes infiltrent un milieu:

Autres films où l’on retrouve des journalistes:

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