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Something old, Something new, Something borrowed – Réemploi du film de famille

Un Film de Hernán Rosselli  

Avec Maribel Felpeto, Alejandra Cánepa, Hugo Felpeto

Dans une banlieue populaire de Buenos Aires, les Felpeto – les Soprano next door – ont leur business rodé de paris clandestins. Après la mort du père, la mère et la fille doivent reprendre en main les affaires. Maribel, voisine d’enfance du cinéaste, lui a confié d’anciennes vidéos familiales et a accepté de devenir « au présent » un personnage de fiction devant sa caméra, comme les autres membres de sa tribu, transformés en bookmakers. La théorie des jeux et la figure du réseau s’imposent à toutes les échelles, des souvenirs individuels à l’histoire d’un pays.

Something old, Something new, Something borrowed, d’Hernan Rosselli présenté à la Quinzaine des Réalisateurs propose une mise en scène de la perplexité. Ce film argentin d’enquête familiale dans le milieu des paris inclue de fausses archives familiales filmées en VHS dans un contexte politique tendu. Tout le film semble ainsi saisi furtivement, volé, arraché au réel.

L’e réalisateur, en voix off, se présente comme l’ami intime de l’héroïne, Maribel dont il essaie de reconstituer le passé. Mais cette fiction se présente aussi comme un documentaire reconstituant l’histoire d’une famille ouvrière de Buenos Aires dirigeant une entreprise clandestine de paris sportifs et devienant matriarcale après la mort du père.

Le point de vue du cinéaste qui mène l’enquête sur le passé de Maribel est prétexte à une sorte de film à clé. L’évolution de la famille et des paris à travers le puzzle mémoriel de l’héroïne demande un double décodage aux deux sens du mot : « élucider un code » (« traduire »), « désamorcer un code »(« déformater »). Décodage d’une mémoire en train de se souvenir, décodage d’une tradition paternaliste au bénéfice d’une réappropriation féminine dans un contexte politiquement et socialement oppressant.

De plus, contournement de la censure oblige, il faut remplir les trous et tisser le lien avec l’imaginaire du spectateur, comme le suggère le titre à propos de « quelque chose d’emprunté ». Le film Trenque Lauquen n’est pas loin, avec la multiplicité des possibles interprétatifs. Cet emprunt est aussi le rôle nouveau dans lequel Maribel doit se glisser, comme il est pour le cinéaste l’inconfort d’emprunter une histoire et des images anciennes (home movies) pour tisser un nouveau récit. L’emprunt définit encore le style « emprunté » de ce film qui saisit l’existence u fil des souvenirs, en réseau, par touches et se dit documentaire tout en étant fiction, par détournement comme par effet poétique.

Ainsi, ce poème de la reconstitution de l’identité fait de Maribel, en recherche de repères via les images du père disparu, une bien curieuse mariée. Si comme l’indique la tradition anglaise, elle porte bien symboliquement « quelque chose de vieux, quelque chose de nouveau, quelque chose d’emprunté », que fait-elle finalement de cette vision trouble du passé qui subordonne le présent ? Mystère opaque qu’il appartient au spectateur d’éclaircir à travers un faisceau d’interprétations. 

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