Un film de Erwan Le Duc
Avec: Nahuel Pérez Biscayart, Céleste Brunnquell, Maud Wyler, Mohammed Louridi, Mercedes Dassy, Alexandre Steiger, Camille Rutherford, Noémie Lvovsky
Étienne a vingt ans à peine lorsqu’il tombe amoureux de Valérie, et guère plus lorsque naît leur fille Rosa. Puis Valérie s’en va et les abandonne. Étienne choisit de ne pas en faire un drame, ils se construisent une vie heureuse. Seize ans et demi plus tard, alors que le père et la fille vont se séparer à leur tour, chacun pour vivre sa vie, le passé ressurgit…
Notre avis: **
La singularité du cinéma d’Erwan Le Duc lui a valu louanges comme réserves pour son premier film, Perdrix. Son humour, volontiers absurde, jusqu’au choix du titre, son goût pour les situations burlesques, mais aussi la belle alchimie trouvée entre Maud Wyler et Swann Arlaud, renvoyait quelque peu au cinéma de Tati, en moins abouti ceci dit. Pour son deuxième long métrage, la critique et la presse l’attendaient donc au tournant. Premier indice, celui qui était encore chef de la rubrique sportive au Monde en 2019, ne cherche plus à brouiller les pistes dés le titre, les choses sont dites, le film s’intéresse à une relation entre un père et sa fille. Second indice, si Maud Wyler se retrouve toujours au casting, le film s’appuie cette fois sur un duo composé par deux interprètes très remarqués ces derniers temps, Nahuel Pérez Biscayart, (bien plus pour son interprétation chez Campillo que chez Dupontel), et Céleste Brunnquell excellente dans Fifi. Le film démarre en trombe, dans une séquence intéressante qui accélère la vie du héros, Etienne, un jeune homme apparemment lambda, pour mieux le situer et introduire le récit. De façon similaire à que les premières images de Perdrix nous laissaient deviner quant à la pertinence du choix de l’acteur principal, celles de La fille de son père nous produisent le même effet: le film est fait pour Nahuel Pérez Biscayart, pour ce qu’il transmet, son regard intense, sa gestuelle à part, doublé d’une impression débonnaire voire de sincérité. Le récit installe ensuite des situations plus ou moins fantasques, où l’on retrouve la patte Le Duc, même si celle-ci se fait moins absurde, le comique s’apprécie pour son décalage, sa finesse, notamment dans les répliques entre le père et sa fille, où il semblerait parfois que les rôles s’en trouvent inversés. Le tout participe à améliorer le dynamisme d’une intrigue qui, par ailleurs, tarde à s’installer ou se cherche, avant qu’une direction ne s’instaure dans une seconde partie qui, étrangement, malgré la part d’action et de mouvement qu’elle comporte, aura tendance à rendre le film, certes plus accessible, mais moins singulier. Les bonnes idées ne manquent pas, plus sur le fond que sur la forme, mais le ton léger, la volonté de composer avec la légèreté pour permettre à l’humour d’être mis en valeur peine à nous convaincre totalement. Quelque chose manque indiscutablement, qui apporterait soit de la consistance soit au contraire de la facétie à cette relation père-fille atypique dans ses fondations, le père se trouvant finalement pris au piège de la protection, de la bonté et de la bienveillance qu’il s’efforce d’apporter à sa fille, à défaut de parvenir lui même à se reconstruire. S’il s’agit d’y croire et de rentrer en empathie, ou de nous émouvoir, l’aspect psychologique, et notamment le point de vue des femmes de ce récit se voit trop effleuré pour réellement nous saisir. Nous regrettons notamment que les personnages interprétées par Céleste Brunnquell et Maud Wyler ne soient plus approfondies, que l’on partage un peu plus de temps avec elles, leurs questionnement, doutes, convictions et certitudes. S’il s’agit au contraire de nous détacher de la matière émotionnelle, pour mieux nous faire rire des situations, et partager un regard sur la société amusée, là aussi, Le Duc semble tomber dans le piège de ne pas totalement assumer l’absurde, l’onirisme ou la farce, à trop vouloir raccrocher à du semblant de réel. Il nous reste bien entendu ces quelques sourires que le jeu des acteurs nous transmettent, et Le Duc reste ici pour nous au stade de cinéaste prometteur plutôt qu’accompli.