Un film de Pablo Larraín
Avec: Jaime Vadell, Gloria Münchmeyer, Alfredo Castro, Paula Luchsinger
Une comédie noire dans laquelle le dictateur chilien Augusto Pinochet est représenté sous les traits d’un vampire vieux de 250 ans.
Notre avis: *
A la rédaction, nous reconnaissons presque tous le talent de Larrain, même si nos choix ne se portent pas nécessairement sur les même films. Ema, par exemple, nous avait quelque peu divisé, mais nous avions choisi de ne retenir que le seul avis (ultra) positif. C’est donc peu de dire que nous attendions avec impatience de pouvoir découvrir El Conde en lice pour le Lion d’Or, voire même que nous le plaçions déjà dans nos favoris. Il faut dire que la seule lecture du synopsis laisse entendre que le film donne matière à Larrain de se faire plaisir, sur le fond comme sur la forme, et par ricochet, que ce plaisir puisse se transmettre au spectateur. El Conde démarre donc, comme nous aurions pu nous y attendre par une mise en place, plutôt dynamique, techniquement intéressante (pouvait-on mieux filmer, ou mettre en scène ce prologue, potentiellement, mais pouvait-on obtenir un moins bon résultat, assurément). La note est donnée, et quoi que nous avons noté au générique ce N majuscule qui n’augure pas toujours de bons produits, nous laissons tomber ce parti-pris – d’autant plus que nous ne demandons que cela !- et subodorons, que passé ce prologue, du côté du récit de vampire, Larrain va pouvoir développer son récit, lui apporter complexité, richesse, et, l’espérons-nous, expertise et perspicacité pour rendre la pareille à Pinochet, qui aura écrasé le Chili par son pouvoir autoritaire et ses multiples exactions. Nous attendons un pamphlet intelligent, un brulot qui s’appuie sur l’Histoire pour rendre grâce à tout un peuple opprimé, pour internationaliser plus encore le drame vécu par les chiliens dans ces années noires, dont elles héritent encore. Le tout, espérons-nous encore, avec malice, poésie et une portée artistique dont on sait Larrain capable. Voilà pour nos espérances, très vite contrariées par ce qui met en place en lieu et place. Comme si passé cette bonne idée de départ, Larrain et l’équipe d’El Conde, n’avait finalement rien de plus à dire, rien à développer, rien à apporter sur la forme ni sur le fond à ce seul principe de base, rigolo en lui même et porteur de promesse. Pour développement, nous n’aurons que répétition du schéma – et de la tradition – dans lequel un film de vampire s’inscrire, celle de nourrir son héros de sang frais, de répertorier les différentes sources d’approvisionnement et crimes associés pour que l’éternelle jeunesse ne se transforme en enfer gériatrique. A ce niveau, nous nous demandons d’ailleurs pourquoi la mode veut que la centrifugeuse soit systématiquement utilisée pour préparer les breuvages sanguins, broyer les coeurs encore battants. Probablement pour que la fascination autour du morbide produise son effet ? Manqué pour nous. Passée cette introduction disions-nous que l’on pensait inspirante, à l’instar de ce que Jarmush avait réussi à faire avec Only Lovers left alive, El conde s’embourbe dans une narration aussi vaine que creuse, qui n’apporte rien à ce qui a déjà été mis en place, ni sur le plan formel, et plus embêtant encore, ni sur le fond – pourtant les casseroles de Pinochet ne manquent pas. Larrain semble avoir bien moins avoir à dire que sur Jackie Kennedy (pour reprendre un biopic plutôt neutre), ou Neruda, ne rien avoir à dire sur le plan politique qui ne dépasse la pensée simpliste et l’image d’épinal « Pinochet c’était pas bien, c’était un dictateur », sur le plan historique, ni même sur le plan sarcastique. Passé cette introduction, donc, nous nous lassons. El Conde vaut donc principalement pour son synopsis, son côté WTF, son noir et blanc léché et ses focales 35 (voire 22 mm) très estampillés Netflix.