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#Cannes 2024 – Rencontre avec Rebeka Warrior

Rebeka Warrior est invitée par la SACEM à Cannes. On lui doit le volet punk de la BO du film d’Alexis Langlois, Les reines du drame, seconde collaboration entre les deux artistes après Les démons de Dorothy.

Nous nous entretenons avec Rebeka pour parler de musique (un peu) et (beaucoup) de cinéma.

J’anime des soirées ! [rires] Si, je suis carrément épuisée mais c’est un bon épuisement de Cannes. Cannes c’est : une journée ressenti : 14 jours. [rires]

Oui, peut-être. [rires] J’ai besoin de ça pour être bien. J’ai pas l’impression de faire trop de trucs, j’aime bien créer donc ça me fait plutôt plaisir.

Moi je suis très, vieux cinéma, je suis très Cocteau, Mizoguchi. C’est pas péjoratif quand je dis de brique et de broc, mais c’est vrai que Cocteau, par exemple, il a des procédés vraiment très simples pour faire passer du monde des vivants au monde des morts, avec juste un gant, un miroir, il n’y a pas beaucoup d’effets spéciaux et ça j’aime énormément. Mizoguchi pareil, c’est un cinéma qui est très délicat. J’aime bien ça, j’aime bien Jodorowsky aussi avec des trucs un peu magiques.  La magie et le cosmique en gros.

Ah bah ouais, un milliard !  Il y a Wendy Carlos qui est en haut de la pyramide des gens que j’adore, qui a fait la musique de Shining par exemple,  tous les Kubrick et elle a aussi beaucoup travaillé sur les synthétiseurs Moog. Donc grosse grosse fan  de Wendy Carlos. J’aime beaucoup aussi Mica Levi, Hildur Guðnadóttir, qui a fait Tchernobyl, la série.   Bon voilà il y en a un milliard mais c’est vrai que j’aime beaucoup écouter des B.O.

Compliqué hein ! [rires] Non, je pense que c’est une suite logique parce que ces réalisatrices là, – c’est quasiment que des meufs ou des gens queer – font un cinéma qui me touche et donc elles viennent me chercher aussi parce qu’on est raccord sur ce qu’on veut raconter dans la vie. Ca me paraît compliqué de partir dans des directions vraiment opposées quoi.

Non, non [rires].   Quand je  fais  Angela Ottobah , qui est un thriller psychologique, ou  Alexis Langlois, qui est une comédie musicale complètement queer déjantée, je ne peux pas du tout utiliser les mêmes procédés et puis il faut s’adapter au film et au réal.  Pour un thriller psychologique, je vais utiliser des flûtes, ma voix. Ca va être très minimal, angoissant et puis pour Alexis Langlois, on va carrément hurler dans le micro et faire un truc très trash [rires].   C’est le plaisir du cinéma, c’est vraiment de s’adapter à l’histoire et à la réal.

Yes, c’est ça  [rires].  J’ai fait tous les trucs trash ! En gros j’ai fait  tous les trucs trash qui sont associés à Billie Kohler, donc l’héroïne punk et Yelle a composé plus pour l’héroïne pop, donc Mimi Madamour et puis il y a aussi d’autres compositeurs, il y a Pierre Desprats qui a fait tout le score. C’est donc lui qui a essayé de lier les morceaux entre eux, qui a fait les moments qui ne sont pas associés à des personnages.   Il y a aussi Louise Bisou, il y a Mona Soyoc qui jouait dans KaS Product. Alexis a fait appel à nous tous pour avoir une grande diversité de sonorités parce que le film parle aussi de plusieurs époques et donc il fallait que tout le monde se retrouve dans une époque.

Ouais on s’est beaucoup parlé, on est tous copains et on n’avait pas besoin enfaite,  à proprement dit de s’appeler et de se concerter mais c’était beaucoup plus agréable de le faire et puis il y avait une bonne énergie qui circulait . Alexis aussi nous a aidé  – il aime la troupe et moi aussi j’adore ça-  à créer cette synergie entre nous tous et ça c’était assez agréable.  Je trouve que ça se ressent dans le film :  que c’est un travail d’équipe et on le fait d’une manière beaucoup plus enjouée quand c’est comme ça quoi.

C’est pas les miens parce que c’est l’histoire d’Alexis.  Ça c’était un exercice qui était un peu difficile parce qu’en général j’écris pour moi [rires] mais en fait il y a peu de gens à qui je laisserais la parole et Alexis fait partie de ces  personnes que je respecte tellement et puis qui ont une écriture si comique, si drôle, si second degré et en même temps si touchante que c’était très agréable de le laisser écrire pour moi et je pense qu’il a écrit des paroles que j’aurais pu écrire il y a 10 ans ou 15 ans donc j’étais un peu époustouflée quoi.  

Ouais voilà [rires]

Moi j’ai écrit, comme tous les autres compositeurs, compositrices, on a écrit beaucoup en amont.  Pour la comédie musicale t’écris par rapport au scénario.  Les actrices vont avoir besoin des chansons pour tourner le film, puisqu’elles doivent tourner les scènes où elles dansent, elles chantent et donc tout ça doit déjà être écrit.  C’est un travail particulier par rapport à un score classique.  Il faut absolument que tout soit prêt avant le tournage donc on a composé sans images aucune et après on a réadapté une fois qu’il y avait les images pour faire des titres plus courts . Tous les titres qu’on a écrits font 3-4 minutes, c’est des vrais bangers radio !   Après dans le film Alexis a recoupé pour que ça soit un peu plus court, déjà  le film  est  un peu long mais si on avait vraiment mis tous nos tracks en entier, il y  avait 6 heures de film quoi !  

J’ai dû rencontrer Alexis bien avant je crois.  On est copines de la night [rires]  On a dû clubber ensemble des dizaines de fois avant de travailler ensemble.  Mais sur Les Démons de Dorothy c’était assez agréable on s’était retrouvés à ce moment-là pour écrire un générique avec Lio.   C’était fun, il a ramené Lio dans mon studio et puis on a écrit et enregistré ensemble.   C’est quand même la banana split quoi !  Donc big up ! [rires]

En fait là, le procédé qu’on a utilisé, il n’est pas tellement lié: la chorégraphie c’est pas trop moi qui m’en suis occupée mais par contre moi j’ai écrit avec les paroles d’Alexis.  J’ai chanté d’abord, j’ai écrit les mélodies et puis ensuite c’est Gio [Ventura] qui a tout rechanté derrière moi, en essayant d’apprendre la partie. J’ai beaucoup travaillé avec Gio pour qu’il rechante à l’exact les mélodies que , moi , j’avais inventées. Ça c’était un travail aussi qui était assez nouveau et que j’ai trouvé super intéressant.  Ça m’a vachement rapprochée de Gio et j’ai trouvé ça assez touchant de transmettre un peu le flambeau : c’est la chanson d’Alexis ,puis ça devient la mienne puis c’est celle de Gio. J’ai trouvé ça beau.

Oui c’est vrai qu’il y a un lien.  Showgirl c’est une pièce de théâtre mais c’est vrai qu’on a travaillé un peu de la même manière avec Marlène Saldana et Jonathan Drillet.  Parce qu’il fallait écrire vraiment une heure non-stop de musique avec du blabla.  Je l’ai composé puis, Marlène le rechante par moment dans la pièce donc c’est un peu similaire ouais.

J’avais vu une version pas du tout mixée, il manquait la moitié des chansons, il n’y avait pas les effets spéciaux donc hier c’était un peu une baffe quand j’ai compris l’ampleur du film.   J’ai fait genre « wouaaaaah okay ! ». J’avais déjà bien aimé la première fois sans rien et là j’ai trouvé ça magique.

En fait, en général quand tu regardes un film et que tu as travaillé dessus tellement d’heures, tu es complètement obnubilé par tous les petits détails, t’entend  le mix, tu dis « mettez la basse plus fort », fin des trucs comme ça, la technique.   Pendant les cinq premières minutes j’ai fait ça et après je me suis laissée complètement emporté par le film donc c’est quand même très très bon signe.

Alors le petit programme c’est un gros programme, Cannes comme je te disais tout à l’heure c’est une journée passée égale 14 jours ressentis.  C’est énormément d’interviews, de rencontres, de soirées  C’est un weshi-wesha de dingue [rires]. Moi j’aime bien ça mais c’est vrai qu’il y a beaucoup beaucoup de rendez-vous quoi ! [rires].

Alors oui, je joue quasiment tous les week-ends puisque j’ai organisé une tournée qui s’appelle Rainbow Warriors avec toutes les meufs de mon label. Donc on est en tournée un peu partout en Europe et ça c’est jusqu’à mi-juillet, donc tous les week-ends vous pouvez me retrouver [rires] et après je prends quand même un peu de vacances puis la rentrée des classes on s’en reparlera plus tard [rires].

Merci, gros bisous.

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