Satoko et son mari sont liés pour toujours à Hikari, la jeune fille de 14ans qui a donné naissance à Asato, leur fils adoptif. Aujourd’hui, Asato a 6 ans et la famille vit heureuse à Tokyo. Mais Hikari souhaite reprendre le contact avec la famille, elle va alors provoquer une rencontre…
De nombreuses fois invitée (et récompensée) par le festival de Cannes, la réalisatrice japonaise Naomi Kawase s’est vu cette fois, à défaut de figurer en compétition, invitée à rejoindre la sélection officielle dans la nouvelle section « Première » (d’ordinaire, elle aurait été reléguée en sélection Un Certain Regard) pour son nouveau mélodrame True Mothers.
Ayant été elle-même adoptée, le sujet de la maternité compte une place importante dans sa filmographie. True Mothers met en scène les points tabous et délicats de l’adoption au Japon d’après le roman Le Matin Arrive de Mizuki Tsujimira
Dès le début du film, des hurlements de bébé qui viennent couvrir des plans sur la mer posent le cadre et l’ambiance dramatique – nous sommes embarqués dans son cinéma. La cinéaste s’appuie admirablement sur l’évasion, elle utilise des rideaux blancs volants au rythme du vent, des branches d’arbres traversées par des rayons du soleil, pour poser son esthétique. Son interprétation personnelle du monde fait figure de code dans sa filmographie, qui mêle puissance, contemplation, et beauté des détails de la vie. La forme vaut tout autant que le fond, les douces notes de piano, les éclairages naturels racontent tout autant que le récit.
Kawase élargit les horizons par un découpage assumé que l’on peut qualifier d’effronté. Le montage vertigineux jongle entre différents flashbacks et le présent des deux figures féminines : la mère adoptive, Satoko, et la mère biologique, Hikari. Kawase parvient avec justesse à mettre en avant une opposition : d’un côté la parfaite intégration dans la société de Satoko -interprétée par l’éblouissante Hiromi Nagasaku -, une femme courageuse, aimante, émotive, dévouée à sa famille, viscéralement lié à son époux , de l’autre l’exclusion de Kiokazu- jouée par Arata Iura, une jeune et sensible collégienne enceinte, obligée d’abandonner son bébé . La cinéaste japonaise nous livre, avec pudeur et compassion, un portrait sombre de cette jeune fille noyée dans la solitude, victime de l’incompréhension de la société .
Naomi Kawase choisit ici une forme à mi-chemin entre fiction et documentaire. La richesse et la diversité du Japon s’observe, de ce coin de campagne au bord d’une mer intérieure à la ville moderne où les buildings et les travaux s’entremêlent. Comme Hou Hsiao Hsien ou quelques autres cinéastes européens avant lui (Pasolini, Brisseau, …), Kawase s’intéresse aux changements liés à la « modernisation », au développement économique, en bien ou en mal. Elle interroge ce qui se perpétue, la tradition presqu’éternelle, vis à vis de ce qui change. La cinéaste choisit des lieux authentiques qui lui sont familiers. Son histoire personnelle influence ses propres scénarios, quelque part elle se place en écho de ses personnages.
Son cinéma surprenant, nous émerveille. La vision qu’elle nous donne sur l’amour, le respect, l’humanité, le sens de la famille dans le contexte d’une société pudique, nous touche. Elle parvient à donner voix à celles et ceux qui ne peuvent pas s’exprimer, tout en soulignant la beauté parfois dissimulée du quotidien.