Madame de La Pommeraye, jeune veuve retirée du monde, cède à la cour du marquis des Arcis, libertin notoire. Après quelques années d’un bonheur sans faille, elle découvre que le marquis s’est lassé de leur union. Follement amoureuse et terriblement blessée, elle décide de se venger de lui avec la complicité de Mademoiselle de Joncquières et de sa mère…
Nous avions un peu perdu Emmanuelle Mouret au moment où il nous présenta son Un autre vie, qui ressemblait à un téléfilm mélodramatique, où ne pointait plus aucun style ni talent propre au cinéaste. Ce film nous laissa croire qu’il ne pouvait exceller que dans les marivaudages bourgeois du cœur, au charme un rien désuet, filmés en appartement et rarement en gros plan. Cette impression n’en fut que renforcée lorsque le cinéaste reprit ses anciens codes, pour Le Caprice.
Mademoiselle de Jonquières vient nous prouver que nous étions dans l’erreur, et s’avère une excellente surprise ! Si Mouret change de style, il ne perd aucunement ce pour quoi il est doué.
Le récit, tiré d’une histoire écrite par Diderot dans Jacques le fataliste fut déjà adapté par Robert Bresson –Les dames du bois de Boulogne. C’est dire si Mouret prenait un risque en s’attaquant à un auteur classique, et par ce biais, à l’un des plus grands génies du cinéma !
Le résultat – une oeuvre dépouillée dans ses décors, sa mise en scène, le nombre d’acteurs – évite l’austérité ou l’ennui. Bien au contraire, le rythme est parfait: on ne voit pas passer les 1h49 du film.
Les acteurs s’en donnent à cœur joie, et leurs partitions contribuent à l’authenticité! Cécile de France, comme à l’accoutumée, joue parfaitement, et endosse parfaitement le costume. Edouard Baer nous bluffe, on oublie qui il est à la ville, son interprétation touchante, complexe et parfois comique nous embarque.
Alice Isaaz enfin trouve un type de rôle jusqu’alors inédit dans sa jeune filmographie qui pourrait se résumer par cette parole biblique : « Pour les êtres purs tout est pur ».
Bien qu’il s’agisse d’une oeuvre originale, la photographie, les décors, l’analyse verbeuse des sentiments, comme souvent chez Mouret, rappelle les plus belles réussites d’Eric Rohmer.
Question d’époque, de thématique, on ne peut s’empêcher de dresser un parallèle également avec les Liaisons Dangereuses de Laclos : dans cette histoire de guerre des sexes, de manipulation, de faux semblants, une phrase peut, pour ainsi dire, tuer.
D’aucuns diraient même que le film est féministe, s’il n’était cet épilogue qui offre un retournement de situation saisissant et surprenant.