A ce stade de la compétition, notre coup de coeur ! Quoi que le film reçoive une critique assez assassine par certains (Le figaro, Télérama) principalement sur des critères politiques, mais aussi machistes !- nous tenons pour notre part à susciter le buzz autour de ce film, car sa QUALITE artistique le mérite !
Nous avons été séduit par un genre qui en général nous rebutte, le film de guerre. Eva Husson, qui avait connu un succès avec le somme toute ordinaire Bang Gang, a eu à nos yeux la très bonne idée de ne pas faire du Katerine Bigelow, du cinéma testéroné, mais de proposer une fiction qui met en avant une lutte, fait la part belle aux actrices, aux protagonistes, et à la cause perdue, oubliée des Kurdes, peuple massacré et considéré, à juste titre ou non, comme essentiellement terroriste.
En résumé, Les filles du soleil est un film de guerre par une femme, avec des femmes, au sujet des femmes. Les filles du soleil nous est apparu ainsi très, pardon très très bon. Les sujets, thèmes traversés sont nombreux, citons le courage, la force, le traumatisme, la guerre, le combat pour la vie et la liberté, les chants, le sacrifice, la vocation, la condition féminine.
Outre le message politique particulièrement virulent, of combien nécessaire – pendant que Romain Gavras ne suit pas les pas de son père, pendant que Godard radote quelque peu, il est très appréciable de voir une cinéaste prendre fait et cause pour un sujet hautement sensible, et se risquer à le mettre en images, nous avons surtout apprécier la fiction proposée, et au Mag Cinéma, nous nous faisons une sainte vérité de juger les oeuvres non sur des aspects moraux, subjectifs, (Plaire, Aimer, courrir vite nous a par exemple divisé nous avons retenu la seule de nos deux critiques qui s’attachait uniquement à des critères artistiques https://lemagcinema.fr/festivals/internationalfestival/cannes/honneur-a-honore/).
Les filles du soleil bénéficie en premier lieu d’une photographie et d’une mise en scène magnifiques. Parfois, le jaune omniprésent – le soleil, le sable, les ouvertures dans les tunnels, les éclairages dans les zones sombres – nous rappelle l’éclairage retenu par Kubrick pour Barry Lindon, les paysages fortement mis en valeurs comportent une fonction symbolique forte, les mouvements sont le plus souvent lents, à pas de loups, pour mieux faire ressortir des combats qui sont très loins des images si fabriquées, si spectaculaires, où le sang gicle de façon barbare et massive. Tout est affaire de jeu de pistes, de lutte de position; le spectaculaire laisse la place à une vision autrement plus réaliste, qui laisse également la place au delà des seules angoisses aux moments de vie, passés, présents, ou même à l’espoir d’un quelconque avenir. Le traitement narratif nous apparaît comme le second point fort du film, il est formidablement trouvé, et permet de faire ressortir toute l’intensité, toute la beauté du combat et de la fiction. Car Eva Husson a aussi eu la très bonne idée de proposer une fiction, de ne pas chercher à proposer un documentaire, mais bien une fiction, ce qui lui permet de toucher plus large, mais aussi de glisser, et de façon nullement grotesque comme cela se voit souvent, des émotions, des larmes auxquelles le spectateur peut aisément s’associer car elles existent réellement de ce côté, très oublié, du monde.
Les filles du soleil est donc d’autant plus une très belle surprise qu’elle nous était inattendue