Daniel sort de prison où il était incarcéré depuis de longues années et retourne à Marseille. Sylvie, son ex-femme, l’a prévenu qu’il était grand-père : leur fille Mathilda vient de donner naissance à une petite Gloria. Le temps a passé, chacun a fait ou refait sa vie… En venant à la rencontre du bébé, Daniel découvre une famille recomposée qui lutte par tous les moyens pour rester debout. Quand un coup du sort fait voler en éclat ce fragile équilibre, Daniel, qui n’a plus rien à perdre, va tout tenter pour les aider.
Gloria Mundi se veut une tentative de Robert Guédiguian de rendre en partie compte du monde dans lequel un enfant d’aujourd’hui naît.
Il en est des Guédiguian comme des vins, certaines années sont meilleures que d’autres, fonction des conditions météorologiques, de l’humeur du monsieur, de son inspiration. A croire que le mouvement des gilets jaunes a été pour lui une très belle source d’inspiration, on sent avec Gloria Mundi, très justement sélectionné et récompensé à Venise cette année, qu’il repart au combat, sans désabus, avec une force certaine, une part d’innocence que l’on trouve en général chez les jeunes furieux. Il use de son art cinématographique pour faire part de sa colère, mais aussi de son observation du monde. Sa volonté a toujours été, et est toujours, de son propre aveu en conférence de presse à Venise, non de juger, non de condamner, mais de faire avancer un débat, de rendre compte. Très rousseauiste, pour lui, il ne fait aucun doute que la faute revient à la société qui corrompt l’homme, et qu’il suffit d’énergie positive pour en retour transformer la société.
Si dans certains de ses longs métrages précédents on le sentait englué, entre d’une part le défaitisme d’un combat qui lui semblait aujourd’hui perdu, et d’autre part, l’interrogation qui était sienne de la sclérose et l’embourgeoisement de la pensée, des contradictions qui peuvent exister chez des hommes de gauche – en premier lui même – qui vivent de la cause politique de manière somme toute très correcte, qui composent sans trop de soucis avec la misère humaine qui les entoure, devenue presque un gagne- pain, quand les slogans sont vides et visent avant tout à se faire réélire, à se mousser, c’est à dire à tirer profit du malheur des autres, sans vergogne. Ces réflexions, certes très intéressantes, ont pour défaut principal leur caractère très négatif, très anxiogène puisque désespéré; et malheureusement elles se transmettent très aisément au spectateur venu chercher un peu d’espoir.
Guédiguian partage avec Ken Loach une vision du cinéma comme l’extension d’un combat social qui se joue sur le terrain politique, son cinéma naît dans l’engagement, il est Sa contribution au combat plus général, la lutte des classes. A Venise, il a pu confirmer au parterre de journalistes présents qu’il avait pensé Gloria Mundi en réaction au libéralisme sauvage, à ce qu’il observe à Marseille, au changement de mentalité qui semble s’opérer chez certaines personnes, illusionnées par l’uberisation de la société dont Macron fut l’un des premiers chancres.
Ce constat se rapproche indéniablement de celui point de départ à Sorry we missed you de Ken Loach, pour un résultat bien différent, bien plus réussi dans sa dramaturgie, dans son intensité, la peinture étant autrement plus complète et nuancée.
Guédiguian ne compose pas ses films seuls, il les travaille littéralement avec sa troupe, Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan font bien plus qu’interpréter leurs rôles, ils composent des partitions du film tout entier.
Son film ne concède aucune concession, notamment quand il dépeint des personnages contemporains individualistes, emprunts de noirceur sinon de cynisme, en mode survie.
L’ensemble des interprétations rendent vie et crédibilité à cette histoire qui nous semble très réelle. Outre le prix d’interprétation féminine accordé à Venise à une Ariane Ascaride très en verve, un peu à la surprise générale sans que cela ne soit réellement critiquable, se dégage la performance d’Anaïs Demoustier, qui, en apparence, est utilisée à contre-emploi par Guédiguian : elle y joue un rôle nouveau pour elle, à l’opposé de tous ses précédents.
Au niveau purement esthétique, Guédiguian ose la musique classique, le sacré, la grandeur, ayant pour effet de magnifier sa pensée, de l’éclairer. Il opte pour formalisme plus lyrique qu’à l’accoutumée.
Au hasard de sa peinture sociale, et parce qu’il filme Marseille telle qu’elle est, s’en ressort également une impression de transition, de transformation de la ville à plusieurs vitesses, excluantes, et peu regardantes des valeurs, des traditions, du mariage entre modernité et tradition, à l’image du Vieux Port et des ses bâtiments ostensiblement modernes et dépareillés.
Sans être moraliste, l’un des coups de force de Gloria Mundi est à rechercher du côté précisément de l’une des morales qu’il véhicule, celle qui donne sa chance à des hommes de se reconstruire, de se racheter d’une faute passée; proposant un regard très humaniste porté par le personnage interprété par Gérard Meylan. Qui plus est, la proposition du ménage à 3, une femme et deux hommes très différents qui l’aiment ou l’ont aimé, comporte son lot de réflexions quant à la véritable vie menée par Guédiguian lui même, proposant de fait, un effet miroir des plus saisissants.