Raoul débarque à Marseille où sa fille est morte. Tout ce qu’elle lui avait raconté de sa vie ? Un tissu de mythos. En tentant de recoller les morceaux, il découvre qu’elle avait enregistré un disque avec une bande de filles. Il se met alors en tête de remonter ce groupe, coûte que coûte. Et en slip s’il le faut.
Présenté à l’ACID au festival de Cannes 2024, Fotogenico est le fruit d’une rencontre et d’une collaboration improbable entre un critique de musique (Benoît Sabatier) et une scénariste expérimentée (Marcia Romano). Après plusieurs années de travail et plusieurs projets de films underground et non-distribués, ils présentent ici leur premier long-métrage distribué à l’échelle nationale. Nous y trouvons une explosion de notes visuelles et musicales, portée par un sens de la colorimétrie et du cadrage très pointu, une pétillante bande son punk-rock, et un humour parfois sombre et grinçant. Une quête de sens et d’esthétique, incarné à l’écran par un acteur (Christophe Paou) aussi déstabilisé que déstabilisant, ainsi qu’une bande de filles plus punks et rebelles que jamais.
Balade dans un univers Wendersien
Le commencement, l’arrivée d’un personnage en dépression, nu et sans bagage(dans tous les sens du terme), perdu dans un milieu qui lui est étranger, rappelle tout de suite le schéma classique du cinéma de Wim Wenders, duquel Fotogenico semble s’être inspiré. Raoul, en errance à Marseille, dans cette manière de ressembler à un « homme sans passé », de chercher à se trouver et à découvrir son nouvel environnement à travers d’étranges rencontres, le plaisir qu’il éprouve à se perdre dans cette étrangeté, la poésie amère qui s’en dégage, tout évoque les héros Wendersiens, par exemple Rudiger Vogler dans Lisbonne story.
A Marseille story
Tourner tout un long-métrage à Marseille(rarement fait, hélas!) semble le meilleur choix pour quelqu’un qui souhaite mettre un projet artistique au centre de son travail. La vivacité, la liberté et la diversité de regard que cette ville offre, permet aux cinéastes de profiter d’un cadre unique et fort, ce que Benoît Sabatier et Marcia Romano n’ont pas manqué de faire. Ainsi la ville de Marseille devient un personnage à part entière, qui charme avec son style de vie atypique, qui attire les yeux et les oreilles, autant par ses graffitis, par ses rues et ses ruelles authentiques, vives et colorées, que par sa scène musicale pratiquée par des artistes en tout genre.
Punkogenico
Le film, particulièrement musical, est avant tout une ode généreuse au punk-rock féminin. Il nous fait apprécier une bonne musique, tout en permettant de connaître des personnages féminins inoubliables (parmi elles, Angèle Metzger très talentueuse actrice dans le rôle d’une disquaire et musicienne). Dommage que la présence d’un autre personnage, un bavard et antipathique écrivain/dealer, qui s’introduit au milieu du récit sans prévention, occupe plus de place qu’il ne le faut, ayant pour conséquence de faire plus ou moins tomber le rythme. Ainsi la durée du film paraît un peu trop longue, ce qui ne nous empêche pas de trouver un certain plaisir à regarder un film original, et de féliciter la présence bienvenue de ce type de cinéma, réellement indépendant et marginal, dans le milieu plus au moins homogène du cinéma d’auteur français.