Le Riot Club est réservé à l’élite de la nation. Ce cercle très secret d’Oxford fait de la débauche et de l’excès son modèle depuis trois siècles. Miles et Alistair, deux étudiants en première année, ne reculeront devant rien pour avoir l’honneur d’en faire partie…
The Riot club était avec ’71 l’un des films en compétitions au Festival du Film Britannique de Dinard 2014 les plus attendus, car précédé d’une excellente réputation. Le film dérange outre-manche, car il tente de mettre en image et de scénariser ce qui par nature doit rester secret, à savoir l’existence de club privés qui réunissent les futurs dirigeants, élites britanniques quand ils fréquentent les grandes écoles Oxford ou Cambridge. La scénariste du film avoue que le film dérange, surtout ceux qui se sentent les plus directement visés, taxant le film de paranoïaque de gauche.
Tiré d’une pièce de théâtre, le film dénonce les clubs privés (ici the riot club) élitistes, quasi sectaires – on peut faire un parallèle avec la Faluche par exemple en France – qui se forment dans les écoles de prestiges telles qu’Oxford, réunissent de jeunes gens de très bonnes familles qui se livrent à des activités de débauche et aiment à transgresser les interdits lors de défis. Parmi ces jeunes gens, beaucoup seront plus tard des hommes de pouvoir et formeront l’Establishment*.
Le film glisse ici ou là que ces clubs privés, outre le fait qu’ils appellent à des comportements outranciers, à la dépravation, sont des passages obligés vers la voie du pouvoir, qu’ils portent en eux des (contre)valeurs qui permettent de maintenir et de perpétrer l’ordre établi, à maintenir les privilèges, à favoriser l’accès au pouvoir. Si la droite conservatrice crie à la dénonciation paranoïaque, c’est bien plus encore car le film laisse entendre que tous les réseaux de pouvoir sont interconnectés et se protègent les uns les autres, et que peu importe les actes de débauche, l’impunité est de mise.
Pour raconter cette histoire principalement politique, la réalisatrice d’An Education Lone Scherfig choisit un ton très appliqué, plutôt minutieux et une forme sobre et maîtrisée. Le sujet étant polémique, toute fantaisie tendrait à donner raison aux détracteurs, à donner des arguments à ceux qui crient au scandale. La réalisation s’efface donc pour que le sujet rayonne. Notez que pour pouvoir s’effacer, la réalisation impose une grande rigueur à la réalisatrice, mais aussi interdit tout défaut visible. La scénariste tenait donc à ce que la réalisation soit confiée à une personne habile, minutieuse et appliquée. An education étant un modèle du genre, elle fut ravie quand Lone Sherfig fut intéressée par le projet.
Le scénario lui aussi réclame minutie, rigueur. Comment mettre sur le devant le sujet sans perdre en intensité réaliste ? Comment rester crédible ? Comment divertir ? Comment susciter la réflexion, sans perdre en pertinence ? Comment simplement introduire le sujet, s’insérer dans le cercle privé et en dévoiler les secrets de l’intérieur ? Comment passer du format théâtre au format cinéma ?
La scénariste choisit pour cela d’introduire deux personnages innocents, peu au fait, qui par effet de circonstance vont faire la connaissance des clubs privés, et seront les yeux des spectateurs.
The Riot club est qualifié outre-manche de paranoïaque de gauche par la droite conservatrice, et de trop timoré dans sa dénonciation par les mouvements de gauche. La scénariste assure avoir surtout visé à écrire une bon scénario. Chacun jugera en fonction de ses convictions politiques, de son jugement et de son expérience, du bien fondé des accusations.
Au-delà de la dénonciation politique en tant que telle, surnage la question cinématographique, autrement plus essentielle. Le film porte en lui une réflexion sociétale, qui dénonce les offenses faites aux classes les plus défavorisées, mais aussi et surtout aux femmes. Ecrit par une scénariste, et filmée par une réalisatrice, The Riot club dénonce l’ignominie de la phallocratie. Cette réflexion là justifie à elle seule le film, et l’inscrit dans la catégorie des films « utiles ». Et puisque la forme est bonne, le fond utile, on ne peut que vous conseiller The Riot club.
*Il s’agit de décideurs économiques, politiques, culturels, etc., qui pilotent (ou sont considérés piloter) de concert, dans leur intérêt et selon leurs conceptions, les principales organisations publiques et privées d’un pays. Ils laissent peu de pouvoirs de contrôle aux électeurs, consommateurs, actionnaires, etc
Réalisateur : Lone Scherfig
Interprète : Sam Claflin , Max Irons , Holliday Grainger , Douglas Booth , Jessica Browne Findlay , Natalie Dormer
Scénariste : Laura Wade, d’après sa pièce / based on her play « Posh »
Image : Sebastian Blenkov
Montage : Jake Roberts
Musique : Kasper Winding
Production : Graham Broadbent , Peter Czernin
Source : Selective Films