Kumiko, paraplégique depuis l’enfance, vit avec sa grand-mère, qui la sur-protège du monde extérieur. Elle sort peu et s’est créé son propre univers, aidée par la lecture, sa fascination pour la mer et son imagination débordante. Elle demande qu’on l’appelle Josée, du nom d’une jeune héroïne d’un roman de Sagan.
Le film animation japonais choisi comme ouverture pour le festival du film d’animation d’Annecy en cette année 2021, Josée, le tigre et les poissons, rend hommage à la France par l’admiration que le personnage de Kumiko porte envers les ouvrages de Françoise Sagan, dont elle s’inspirera pour se faire appeler Josée par les gens qui l’entourent -personnage phare des romans de Sagan ; Les merveilleux nuages ou encore Dans un mois, dans un an.
Kotaro Tamura est un réalisateur et scénariste reconnu dans le domaine de la série d’animation. Ce grand nom de l’animation japonaise signe ici son premier long-métrage directement adapté du roman de Seiko Tanabe publié 1985. Il n’est cependant pas le premier à reprendre à son compte cette histoire, puisque deux films se sont déjà illustrés en la matière avec une adaptation en 2003 de Isshin Inudou et une seconde en 2020 de Kim Jong-Kwan. Il s’agit en revanche d’une première en film d’animation.
L’esthétique du film d’animation est belle, et nous fait immédiatement penser à celle de Makoto Shinkai –5 centimètres par seconde, Your Name, Les Enfants du temps-. Les jeux de couleurs alternants teintes pastel pour les moments plus mélancoliques et couleurs vives pour les moments gais sont couplés à des luminosités diverses selon le degré de réalité de la séquence. Kotaro Tamura arrive à dépeindre des personnages d’un grand calme et d’une maturité surprenante, contrastant avec les réactions vives des personnages de film d’animations japonais que nous pouvons avoir l’habitude de visualiser.
La question du handicap y est narrée sans faux-semblant mais avec une pudeur appréciable. Sans jamais tomber dans le pathos, le film d’animation arrive à dépeindre les sentiments d’une jeune femme atteinte de paraplégie dès sa naissance et coupée de la vie réelle par sa grand-mère. Le personnage de Tsuneo, « son serviteur » tel que le nomme Kumiko permet à la jeune femme de découvrir le monde extérieur et les scènes en dehors de la maison montre la candeur de la jeune femme face à la découverte de ce monde qu’elle ne connaît pas et qu’elle put appréhender.
Une dimension méta est présente dans ce film d’animation, avec la passion de Komuke pour le dessin, et la qualité du réalisateur à mettre en scène des illustrations pour enfants radicalement différentes du style de l’animation.
Malgré ces qualités, certains traits de caractère et certains passages du film pêchent. L’héroïne « battante et dynamique » comme décrit dans le film peut agacer par son côté à la fois naïf et foncièrement têtu ; cet entêtement a tendance à être assimilé à de l’indépendance là où Kumiko semble pourtant fortement dépendante des personnages qui l’entourent. Le personnage de la grand-mère n’est pas assez exploité et nous ne comprenons donc pas pourquoi celle-ci a laissé sa petite fille enfermée des années durant sans voir le monde extérieur. Les scènes oniriques quant à elles ne fonctionnent que moyennement ; Josée en sirène et dans le monde aquatique en reflet à la passion de Tsuneo n’apporte pas la matière escomptée au scénario et aurait davantage tendance à bloquer le public et le déconnecter partiellement du film, imposant une certaine distance d’avec le scénario quelques fois incohérent.
Le schéma du film est donc simple, certaines fois décousu, mais des péripéties inattendues redonnent de l’intérêt à la trame principale. Les personnages annexes -Hayato et Maï- apportent une stabilité appréciable au récit. Des faiblesses donc mais un film avec des points de vue intéressants sur la pitié, le handicap et l’indépendance.