Une belle surprise cannoise en sélection Un Certain Regard : Bird People, de la cinéaste du non moins superbe Lady Chatterley, Pascale Ferran. L’affiche, elle aussi, avait de quoi allécher : Anaïs Demoustier, qui, depuis l’enfance (Le temps du loup d’Haneke) jusqu’au passage à l’âge adulte (D’amour et d’eau fraîche) compte parmi nos plus grandes actrices -elle est fan d’Isabelle Huppert, mais n’a rien à lui envier, dans un jeu tout en nuance parfaite, jusqu’aux tremblements de doigts ; et Roschdy Zem, qui après avoir porté des films très exigeants (N’oublie pas que tu vas mourir), a fait preuve de sa présence virile brute mais sensible dans des films plus grands public (Gost Fast and co) l’imposant comme un parfait successeur à Gérard Depardieu, ou, plus anciennement, à Lino Ventura ou Gabin -un homme, un vrai, une présence, sans un mot.
Changement de style
A l’œil nu, impossible de reconnaître la patte de celle qui engendra Lady Chatterley. Impossible de vous narrer l’histoire sans déflorer son propos.
Disons que deux destins sont mis en parallèle, en plein cœur d’un hôtel donnant sur l’aéroport Charles De Gaulle, où les gens ne sont que de passage, en attente d’un vol, quant ils ne sont pas arrimés dans cette sorte de no man’s land, comme l’est le personnage d’Anaïs Demoustier (Audrey), piquante femme de chambre prénommée Audrey qui a arrêté ses études, une jeune fille plutôt seule, comme l’était celle de Benoît Jacquot, incarnée alors par une jeune Virginie Ledoyen –La fille seule parlait aussi d’une jeune employée d’un hôtel.
Le personnage féminin, donc, est seule, comme le sont beaucoup de gens qui vivent dans les grandes métropoles et font des boulots précaires mais épuisants. Elle est piquée de curiosité pour tout ce qui l’entoure : elle aime à rêver de la vie des autres, de ces voisins d’en face, qu’elle observe comme d’autres regardent la télévision. Un événement -très- improbable va lui permettre d’observer à loisir, et d’une autre façon, la vie des autres, La Vie tout court.
L’autre personnage est masculin, et non, oh tristesse, ce n’est pas Roschdy Zem, qui joue ici un personnage plus périphérique non sans rappeler un autre de ses rôles : Stand by de Roch Stephanik, dont l’histoire se déroule aussi dans ou autour d’un aéroport, et où l’épaisseur relative du rôle était idoine.
Non, le personnage principal masculin, qui est à l’honneur dans la première partie du film, est incarné par Josh Charles, qui campe Gary Newman, un ingénieur informatique de haut vol qui, pris d’un soudain et brutal malaise tant physique qu’existentiel, décide de ne pas prendre un avion pour une mission capitale professionnellement, de même qu’il décide de tout changer à sa vie intime.
Narration audacieuse
Le lien entre l’ingénieur et Audrey ne relève pas de l’évidence, sinon qu’ils sont tout les deux dans le même hôtel, lui client prolongé, elle employée curieuse et observatrice. Ils viennent à se croiser, mais c’est le spectateur, lui-seul, qui perçoit de ce qu’il advient d’eux dans les détails, dans leur psyché, dans l’expérience qu’ils vont vivre -mention spéciale à celle qui est vécue par Audrey, poétique et surprenante au possible, presque kawaï – expérience d’autant plus légère et agréable qu’Anaïs Demoustier est imparable dans la délicatesse.
A noter que nous croisons des visages familiers, sans pour autant pouvoir mettre un nom dessus, et pour cause : l’ancienne star de La nouvelle Star, Camélia Jordana (sans les lunettes et le reste) tient un rôle tout à fait crédible et discret (un peu à la manière dont Benjamin Siskou intervient dans La vie d’Adèle).
Un film que nous vous conseillons vivement. Il paraît que, suite aux commentaires de nos confrères critiques et journalistes, Pascal Ferran aurait revu le montage depuis Cannes. Gageons que le film n’en est qu’encore mieux !