Le Paris des années 20. Marguerite Dumont est une femme fortunée passionnée de musique et d’opéra. Depuis des années elle chante régulièrement devant son cercle d’habitués. Mais Marguerite chante tragiquement faux et personne ne le lui a jamais dit. Son mari et ses proches l’ont toujours entretenue dans ses illusions. Tout se complique le jour où elle se met en tête de se produire devant un vrai public à l’Opéra.
Xavier Giannoli à qui l’on doit « Les corps impatients« , « Une aventure« , ou plus récemment « A l’origine » s’écarte du cinéma contemporain à la veine réaliste qu’on lui connaît pour s’essayer à un style plus osé, sur la forme comme sur le fond.
« Marguerite » se démarque en effet et offre à voir un genre peu commun, une sorte de comédie aigre-douce d’époque (les années 20) qui n’oublie pas de soigner les décors, la lumière, fait la part belle à l’univers feutré de l’opéra, soigne ses dialogues, tout en usant d’un quadruple regard porté par les personnages masculins principaux.
Le premier est le regard d’un mari – interprété par le très bien choisi André Marcon – très imparfait, pleutre, très détaché, soucieux des apparences. Il a honte de sa femme, craint qu’elle ne se couvre de honte, mais pour autant contribue grandement à ce qu’elle paraisse ridicule. Si ce regard apparaît brut, simpliste, assez petit, il gagne en complexité au fur et à mesure que sa femme vient à s’épanouir, et qu’une forme de tendresse prend le dessus sur son égoïsme.
Le second regard est celui de ce majordome par trop protecteur, d’une bienveillance à toute épreuve, à l’élégance et au raffinement évidents. Son sens du service est irréprochable, à ne pas en douter, mais les bonnes intentions peuvent parfois être dévastatrices.
Ces quatre regards sont tout à la fois complémentaires, et opposés, offrant une perspective de lecture multiple réjouissante, d’autant plus que Giannoli, par instant, a l’intelligence de brouiller davantage les pistes par quelques saillies bienvenues, offrant un contraste intrigant.
Que ce soient les répliques très saisissantes de Marguerite, mélange incroyable de bon sens, d’innocence, de franchise, de malice et de déconnexion, qui lui valent la tendresse de ses détracteurs, que ce soient les remises en cause des traits principaux des personnages – le raffiné qui fait preuve de vulgarité, le cynique attendri, .. – que ce soit encore bien évidemment le contraste musical entre la Grande Musique (emprunté au répertoire de l’opéra) et le massacre de ses même airs, mais aussi les quelques détours scénaristiques plutôt improbables, tous ces éléments apportent leur dose de rythme, d’intérêt et d’humour.
Outre les dialogues ciselés, le grand soin accordé à l’image – la reconstitution des années 20 emprunte aux nombreux films d’époque mais offre ici une lumière beaucoup plus extérieure -, à l’univers musical bien entendu, le film Marguerite profite d’un atout de taille supplémentaire avec le jeu proposé par Catherine Frot. Car si les regards sont masculins, ils sont tout entiers portés vers cette grande dame Marguerité, personnage féminin haut en couleur.
Le fond est intriguant, drôle et de manière surprenante fin, notamment par sa part de surréalisme. La forme est soignée, classique dans le bon sens du terme et s’interdit tout effet surréaliste. Cette contradiction entre la forme et le fond sur l’aspect surréaliste trouve probablement son origine dans le fait que le film est inspiré d’une histoire vraie.