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Le tout nouveau Testament de Jaco Van Dormael triomphe !

Jaco Van Dormael présentait ce soir à la Quinzaine des Réalisateurs son nouveau film « Le tout nouveau testament », lui qui avait été si décrié, et blessé, lors de la sortie de « Mr Nobody » par la critique – l’un de nos chroniqueurs considère précisément que Mr Nobody est un opéra, un émerveillement, un chef d’œuvre incompris -. Il propose pour la première fois dans sa filmographie intense mais très resserrée une pure comédie, et s’entoure pour l’occasion d’un casting tout à fait approprié, à la sauce belge notamment, puisque l’on retrouve à l’affiche François Damiens, Benoit Poelvoorde, Yolande Moreau, mais aussi Catherine Deneuve. Rien qu’à découvrir le synopsis, on se doute que le récit va nous amener loin, très loin dans l’absurde, l’irrévérencieux voire la provocation, le délire poétique:

Dieu existe. Il habite à Bruxelles. Il est odieux avec sa femme et sa fille. On a beaucoup parlé de son fils, mais très peu de sa fille. Sa fille c’est moi. Je m’appelle Ea et j’ai dix ans. Pour me venger j’ai balancé par SMS les dates de décès de tout le monde…

On note d’emblée que Jaco Van Dormael se rappelle à nos bons souvenirs, ceux de « Toto le héros », et son univers imaginaire si riche, ceux du « Huitième jour » et sa très grande générosité – Pascal Duquenne joue d’ailleurs un petit rôle. Car Jaco Van Dormael est capable d’une prouesse rare, réussir à nous sensibiliser très fortement, très distinctement, avec des émotions positives, en jouant sur nos rêves, nos questionnements, la bonne humeur, la générosité, et ici le rire. Le tout est en général composé de façon très alerte,   très facétieuse, très colorée et très soulignée musicalement. Ces ingrédients sont bien ceux que l’on retrouve dans «le tout nouveau testament » dont on pouvait craindre que l’idée de départ, aussi gonflée soit-elle ne soit une pitrerie difficile à maintenir sur la durée. Le film entre dans son sujet très rapidement, les premières images, les premiers sons font mouche, le public rit très aisément, tant ce qui nous est proposé s’amuse de l’imagerie populaire, s’amuse à détourner les codes. Le projet est ambitieux, assurément. Le travers d’une comédie et son pendant sont la superficialité: souvent ce qui nous fait rire au début vient à nous lasser si l’effet n’est pas renouvelé, souvent ce qui est à l’origine de notre rire est le traitement décalé d’un sujet central, qui interdit de facto un traitement en profondeur, une vision fine et sensible du dit sujet. Ces écueils, Jaco Van Dormael les évite comme nul autre. D’une part, son récit a visiblement été travaillé pour que les effets comiques se succèdent sans lassitude et trouvent leur paroxysme, par le truchement du rebondissement, dans les scènes finales, d’autre part, Jaco Van Dormael sait apporter de la matière : ce qu’il nous montre participe à ses propres interrogations, à sa propre personnalité. Sa poésie visuelle fait mouche. Le sujet de réflexion existe bel et bien, et l’absurde sous-tend des réflexions métaphysiques dont on sait depuis « Mr Nobody »   qu’elles hantent l’esprit de Jaco Van Dormael – elles sont bien différentes de celles de Terrence Mallick convenons-en, mais au final elles portent sur le caractère éphémère de l’existence, et donc sur l’objectif d’une existence !

 

Van Dormael en est presque obsédé, il cache derrière une excessive vitalité, un sens du divertissement une angoisse évidente de la fin de vie. Sa réponse première est la générosité, le lien entre les hommes de leur vivant, le respect des autres et de leurs différences, pour que la vie soit plus joyeuse et surtout le pouvoir de l’imaginaire. Il dissimule une morale forte, car son constat est probablement que les choses ne sont justement pas si simples, et que nos sociétés ne valorisent peu, pas ou plus, certaines valeurs de solidarité, remplacées par des valeurs plus individualistes, plus centrées sur la réussite personnelle. Il n’est pourtant nullement militant, il aime simplement imposer la fraîcheur de son regard, une forme d’utopie ou de fausse naïveté, toute la poésie qu’il s’en dégage. Il ne s’est cette fois-ci pas risqué à approfondir sa réflexion, à confronter ses doutes sur le sens de la vie à des théories scientifiques – Mr Nobody s’intéressait à la théorie des cordes, aux parallélismes possibles entre univers. Il se contente cette fois-ci de tourner en dérision la religion catholique principalement, ce qui ne manquera pas, soyons en certain, de lui valoir des critiques, ou qui pourraient ternir l’effet comique chez certains.

Ne comptez surtout pas sur cet article pour vous dévoiler les ressorts du comique, vous décrire telle ou telle scène qui ont valu les éclats de rire du public !  Probablement certains dialogues, certaines réflexions pourront déranger ou décrédibiliser le projet en lui-même – probablement la raison pour laquelle « Le tout nouveau testament » n’est pas en sélection officielle – mais tout aussi probablement vous devriez être dans l’ensemble séduits par l’inventivité et la poésie qui trouvent leurs paroxysmes dans les scènes finales.

A Cannes en tout cas, le public était conquis et l’accueil très chaleureux !

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