Quand Rose arrive en France, elle emménage en banlieue parisienne avec ses deux fils, Jean et Ernest. Construction et déconstruction d’une famille, de la fin des années 80 jusqu’à nos jours.
On attendait probablement Léonor Serraille sur un terrain différent, plus dans la continuité de Jeune femme, alternant entre rire et larmes. Avec Un petit frère, la forme épouse un ton antagonique, plus narratif, plus distant, et théorique (sans jamais être froid). Malgré une exposition un peu longue, le film parvient à développer un point de vue philosophique sur l’intégration, le destin, l’avenir. A mi-chemin entre Philippe Faucon et Mia Hansen-Love la jeune réalisatrice a eu le courage de se risquer au romanesque qui plus est sur un sujet identitaire; il est fort à parier que l’époque (le wokisme) lui vaudra quelques retours peu amènes.
Cette histoire n’est certes pas directement la sienne, elle n’a peut être pas vécu les choses de l’intérieur – elle emprunte l’histoire à son mari-, mais l’universalisme de son message ne fait aucun doute, la fiction proposée ne sonne ni faux ni artificiel, et les questions soulevées, le regard doux-amer posé sur les difficultés de se construire, qui plus est dans l’adversité et quand les éléments sont contraires, la fragilité d’un destin et des adages comme « travaille dur et tu réussiras » – plus que jamais sur le devant de la scène, la remise en question du modèle du « winner » en guise de réussite, non seulement s’avèrent finement observés et étudiés, mais aussi présentent l’intérêt d’avoir rarement été portés à l’écran, quand bien même elles hantent beaucoup d’esprits et divisent au sein des familles.
L’émotion s’invite dans le dernier tiers du film, sans qu’il n’y ait le besoin de drame, de deuils, de larmes à l’écrans ou de courses dans des champs de fleurs, par de simples rappel. Ainsi, même intégré, un jeune homme français d’origine étrangère reste maltraité par certains, notamment la police. Ainsi, la réussite professionnelle n’effacera jamais les blessures d’enfance, les défaites passées de ses proches, les rêves inachevés, qui poursuivent bien plus qu’on ne le pense ceux qui les ont observés de près. Enfin, deux frères très proches séparés restent soudés l’un à l’autre, quoi qu’il advienne. Leonor Serraille, si elle n’est pas parvenu à emporter le jury cannois (ni même la critique décontenancée par la forme académique, le romanesque à la Truffaut, mais aussi le ton sérieux employé pour mieux interroger notre société quand Jeune Femme puisait dans des inspirations bien différentes, et se servait de l’apparente légèreté de son personnage principal pour questionner le monde, propose cependant avec Un petit frère un récit sincère, appliqué, bien servi par la qualité générale de l’interprétation de l’ensemble du casting. On devine pour beaucoup d’entre eux les résonances avec leur histoire personnelle et leur investissement dans le projet et dans leur partition se voit à l’écran.