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The Last Showgirl de Gia Coppola, les adieux d’une icône, le renouveau d’une autre 

The Last Showgirl

Crédits : SONY PICTURES RELEASING FRANCE

En novembre dernier la réalisatrice Coralie Fargeat faisait du vieillissement des actrices le sujet de son film The Substance – notamment lauréat du Prix du scénario au Festival de Cannes. La cinéaste Gia Coppola a choisi d’appréhender ce même thème à travers son troisième long-métrage The Last Showgirl – en salle depuis le 12 mars – avec Pamela Anderson.

Dans le récit, celle-ci interprète Shelly, figure éminente, depuis plus de trente ans, du cabaret Razzle Dazzle, une célèbre revue de Las Vegas. Mais devant les sièges vides qui ne cessent de s’accumuler au fil des représentations, le show finit par être brusquement interrompu, poussant l’ensemble de la troupe dans un profond désarroi. Quinquagénaire, Shelly, doit désormais se préoccuper de la suite de sa carrière de femme “âgée” qui n’intéresse plus grand monde. 

Le show Razzle Dazzle n’est jamais réellement montré durant le film – Crédits : CONSTANTIN FILM / COURTESY OF GOODFELLAS

Gia Coppola filme Pamela Anderson avec une attention particulière, consciente de l’écho entre le rôle et le parcours de cette dernière. Révélée dans la série américaine Alerte à Malibu, l’actrice a toujours été réduite à son physique par un sexisme hollywoodien l’empêchant de s’exprimer autrement. « Se sentir regardée, se sentir belle, c’est puissant. Je ne peux pas imaginer ma vie sans ça » déclare-t-elle dans The Last Showgirl. Des propos qui résonnent aujourd’hui comme un ancien mantra. 

Mais à 57 ans, Pamela Anderson – habituée des nanards – se réinvente enfin grâce à un film indépendant à petit budget, tourné en seulement dix-huit jours et réalisé par une femme. Si Shelly voit sa carrière se briser d’un coup, elle qui fut sur le devant de la scène durant des décennies, son interprète, au contraire, profite d’un véritable renouveau, d’une voix qu’elle n’avait jamais eu jusque-là. Dans un entretien donné au magazine Trois Couleurs, l’artiste décrit son rôle comme un « tournant décisif », et explique avoir « adoré le script. Je pouvais entendre la voix de Shelly, je voyais comment la jouer. À chaque page, je me disais : “C’est pour ça que j’ai eu la vie que j’ai eue”. »

Shelly, sans artifice, dans les rues de Las Vegas – Crédits : Utopia

De son parcours instable, Pamela Anderson en tire une sincérité désarmante qui transparaît tout au long du film : elle convainc dans le rôle d’une ancienne légende déchue pleine de paillettes, de breloques et de maquillage lorsqu’elle monte sur scène. En coulisses, le contraste frappe : l’actrice se montre tout aussi crédible en femme douce, naturelle, entièrement dévouée à son travail, ses amies et sa fille (Billie Lourd) avec qui elle tente de renouer des liens, après l’avoir négligée pour sa carrière. 

À ses côtés, Kiernan Shipka et Brenda Song, dont la prestation mérite d’être saluée, incarnent Jodie et Marianne, deux partenaires de cabaret. Mais la vraie surprise vient de Jamie Lee Curtis en Annette, amie de longue date de Shelly, reconvertie depuis six ans en serveuse dans un casino où elle perd régulièrement son argent dans les paris. Cheveux blonds platines, lèvres translucides et teint cramoisi par les UV, Annette, aussi extravagante que brisée, danse en body moulant sur une table et dort dans sa voiture quand elle n’a plus un sou. L’actrice de 66 ans, couronnée ces dernières années par un Oscar et un Emmy pour ses rôles dans Anything Everywhere All at Once et The Bear, prouve qu’il lui reste encore plus d’une corde à son arc.

Seul protagoniste masculin, Dave Batista, ancien catcheur et habitué aux rôles de brutes insensibles – dans Les Gardiens de la Galaxie ou les deux volets de Dune – étonne lui aussi comme manager du cabaret et ancien amant de Shelly, par sa douceur et sa sensibilité.

Ensemble, Annette, Shelly, Jodie et Marianne, unies dans une authentique complicité, forment un groupe solidaire, comme le soulignait Pamela Anderson, expliquant préférer « l’humanité, la sororité, la camaraderie » aux « clichés des rivalités féminines ».

Jamie Lee Curtis, partenaire de jeu exceptionnelle de Pamela Anderson – Crédits : Roadside Attractions

Tous les personnages évoluent dans un Las Vegas démystifié, filmé en plein jour, souvent surexposé, à l’opposé de la vision nocturne qu’en donnait Sean Baker dans Anora ou Paul Verhoeven dans Showgirls. La caméra embarquée et l’usage des plans serrés nous immergent au plus près des protagonistes, sublimant un casting à la fois inattendu et à contre-emploi, dont le film puise une grande partie de sa force. 

Le long-métrage prend des allures de faux documentaire, porté par un scénario parfois simpliste voire caricatural – notamment sur la relation mère-fille – mais animé par une volonté sincère de dépeindre une Amérique déclassée, autrefois glorieuse, avec des protagonistes, en quête d’un avenir meilleur, s’accrochant tant bien que mal à leurs illusions.

La manière dont The Last Showgirl aborde le désenchantement et le renouveau s’inscrit parfaitement dans les enjeux du cinéma indépendant actuel, qui, tout en restant en marge des grandes productions hollywoodiennes, cherche à réinventer les codes du genre et à proposer une vision plus nuancée des États-Unis. Un terrain d’expérimentation pour Gia Coppola – héritière d’une prestigieuse lignée cinématographique – qui lui permet d’offrir à son actrice Pamela Anderson un rôle à la hauteur de sa propre réinvention.

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