Vingt-trois ans après « 8 Mile » (de Curtis Hanson, avec notamment Kim Basinger), « Stans« , est un film documentaire autobiographique qui explore le lien entre l’artiste et ses fans à travers des images d’archives (concerts, backstages, battles, live sur MTV) rares, reconstitutions stylisées, témoignages d’autres artistes (Ed Sheeran, LL Cool J, son producteur Dr Dre, Dido…) et interviews exclusives, dont un entretien avec Eminem, qui revient sur ses problèmes de dépendance aux médicaments, qui ont failli lui coûter la vie en 2007.
Sortie en mai 2000 sur l’album The Marshall Mathers LP, la chanson Stan d’Eminem, portrait saisissant d’un fan obsessionnel et tourmenté, demeure une œuvre emblématique, au point d’avoir donné son nom au terme « stan », inscrit dans l’Oxford English Dictionary en 2017.
Ce morceau, par sa puissance narrative et émotionnelle, sert de fil conducteur à ce documentaire singulier et pleinement autorisé, qui suit un groupe de « stans » bien réels. Leurs liens personnels profonds avec Eminem reflètent certains des nombreux thèmes que le titre aborde dans ses paroles: névroses, addiction, deuil, conflits familiaux et autres tourments.
Issus d’un appel lancé sur les réseaux sociaux ayant suscité près de 9 000 réponses, ces fans, sélectionnés pour leur identification à la musique du rappeur, se dévoilent avec une sincérité poignante. Ce documentaire d’une heure quarante deux part du début de la carrière du rappeur de Détroit, superstar mondiale, qui à ce jour a vendu plus de 164 millions d’albums et cumulé plus de 110 milliards d’écoutes en streaming dans le monde, qui fut même l’artiste le plus vendu des années 2000 (Nielsen SoundScan), avec 32,2 millions d’albums vendus sur cette décennie.
Son autre point de départ, les « stans ». Présentés aux spectateurs par leurs prénoms, de Zolt Shady, fan français, à une admiratrice détenant le record Guinness des tatouages dédiés à Eminem (plus de 20 tatouages!), en passant par Kripa, dont la lettre bouleversante, jamais envoyée à propos de Mockingbird (sur son quatrième album « Encore« , en 2004) qui lui a, selon elle, sauvé la vie, ou un fan transgenre qui s’est découvert par sa musique, chaque histoire illustre la résonance universelle des paroles du rappeur. Il s’attarde sur leur rapport à Eminem, ce qu’il représente pour eux. Il dresse un lien avec leur propre ressenti (la colère intériorisée, la dépendance, le sentiment d’abandon) ou des évènements vécus (le deuil d’un proche, des conflits familiaux).
Loin de se complaire dans une rétrospective convenue, ce documentaire tire sa force d’une approche intimiste, presque conversationnelle, où les fans deviennent les véritables protagonistes. Sa tension dramatique repose sur une question aussi simple que captivante : ces admirateurs rencontreront-ils Eminem, et quelle serait la portée de cette éventuelle rencontre ? En tissant ces récits personnels à l’héritage d’un artiste ayant marqué son époque, le film ne se contente pas de célébrer Eminem, mais offre une méditation vibrante sur la manière dont un artiste et son public se répondent, se comprennent et, parfois, se sauvent mutuellement.
« Stans », documentaire de Steven Leckart avec Eminem, Dr Dre, LL Cool J,Adam Slater et ses fans (2024, 1h41). Séance unique au cinéma le 7 août dernier. Disponible dès le 27 août sur Paramount+.