Quatre ans après 9 mois ferme, Albert Dupontel revient devant et surtout derrière la caméra pour livrer une fresque ambitieuse parée d’une belle direction artistique. Dans Au revoir là-haut, l’ambition est tout à la fois formelle, visuelle, narrative et artistique. Autant de caractéristiques qui démarquent nettement le sixième long-métrage d’Albert Dupontel des films populaires produits par le cinéma français actuel.
Novembre 1919. Deux rescapés des tranchées, l’un dessinateur de génie, l’autre modeste comptable, décident de monter une arnaque aux monuments aux morts. Dans la France des années folles, l’entreprise va se révéler aussi dangereuse que spectaculaire.
Dans son précédent long-métrage, 9 mois ferme, Albert Dupontel avait réalisé quelques beaux plans-séquences dont celui qui ouvrait le film. Bis repetita dans Au-revoir là-haut qui se montre encore plus aérien. Parfaitement réalisée, la longue séquence liminaire sur le front de la Grande Guerre en appelle d’autres qui viendront émailler un film imaginé comme un long flashback narré par le réalisateur-scénariste. Le Célestin Poux d’Un long dimanche de fiançailles (2004) a su s’inspirer du savoir-faire de Jean-Pierre Jeunet.
Au-revoir là-haut amorce sans aucun doute un virage dans la filmographie de son auteur. Premier film d’époque et d’après-guerre réalisé par Albert Dupontel qui ici, pour la première fois également, adapte au grand écran un roman celui, éponyme, de Pierre Lemaitre, prix Goncourt 2013. Rendons grâce au réalisateur d’avoir fait bon usage d’un budget confortable en n’optant pas pour une esthétique factice façon carte postale sous verre (cf. Frantz de François Ozon) et de ne jamais céder à une autre facilité devenue monnaie courante, le passéisme.
A la légèreté qu’affichait 9 mois ferme, Au-revoir là-haut répond par un propos plus sombre, plus signifiant mais sachant toujours ménager quelques notes humoristiques dans lesquelles on reconnaît aisément la patte cynique d’Albert Dupontel. La parabole dessinée est celle d’un après-guerre révélateur des genres humains. Elle traite de la question du retour à la vie civile des soldats de la Grande Guerre et des difficultés rencontrées dans leur reconstruction. Au propre comme au figuré, tous les protagonistes avancent masqués.
Ainsi pour le gueule cassée Édouard Péricourt (Nahuel Perez Biscayart), les masques expriment les humeurs d’un personnage ayant fait le choix de disparaître et de changer d’identité. Au-delà de cette fonction première, ces masques participent aussi à instaurer une ambiance baroque surlignée par les reflets sur les miroirs, les vitres, les verres. Ces jeux de transparences et de réflexions transcendent la parole laissée aux hauts-fonctionnaires et aux petites gens. Là encore Albert Dupontel en fait une question de transparence car, au-delà des apparences, chaque protagoniste est scruté par son prisme le plus sombre donc le moins transparent.
Au sein d’un large casting, les personnages féminins restent sous (Mélanie Thierry, Héloïse Balster) ou mal (Émilie Dequenne) exploités. L’ampleur narrative d’Au revoir là-haut bénéficie surtout aux protagonistes masculins. Derrière ses masques, il est difficile de juger sereinement l’interprétation fournie par Nahuel Perez Biscayart. Michel Vuillermoz brille à nouveau et mériterait enfin d’incarner un rôle principal. En ex-capitaine de l’armée reconverti dans des affaires commerciales douteuses mais avec l’aval de l’État, Laurent Lafitte convainc aussi dans une gamme d’interprétation voisine de celle observée dans Elle (2016) de Paul Verhoeven. Dans un registre différent de ceux que nous lui connaissions, mais à nouveau devant et derrière la caméra, Albert Dupontel s’en tire honorablement alors que son personnage devait être interprété par Bouli Lanners. Côté incarnation, la palme revient cependant à Niels Arestrup qui, par son non-jeu, marque des plus grands acteurs, se montre remarquable en bourgeois et capitaine d’industrie.
En 2014, 9 mois ferme avait été récompensé par deux Cesar, celui de la meilleure actrice pour Sandrine Kiberlain et celui du meilleur scénario original. Lors de la prochaine édition célébrant le cinéma français, Au-revoir là-haut pourrait être gratifié d’un même succès et possiblement plus. Cette reconnaissance ne viendrait que saluer l’ambition d’un cinéma certes populaire mais généreux et iconoclaste.
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