Pierre Perdrix vit des jours agités depuis l’irruption dans son existence de l’insaisissable Juliette Webb. Comme une tornade, elle va semer le désir et le désordre dans son univers et celui de sa famille, obligeant chacun à redéfinir ses frontières, et à se mettre enfin à vivre.
Swann Arlaud, Fanny Ardant, Maude Wyler ou encore Nicolas Maury, le casting en lui même donne les intentions de ce Perdrix, au titre, disons-le, loufoque. Le mélange quasi parfait entre le meilleur du film d’auteur, le film qui prend des risques et s’aventure dans des univers assez inexplorés, tout en conviant la référence ultime, aussi intouchable que troublante.
Le film avait réussi à faire parler de lui à la Quinzaine des réalisateurs, qui une fois n’est pas coutume, présentait une sélection quelque peu moribonde ou surévaluée. De toutes les comédies françaises présentées, Perdrix était celle qui séduisait le plus, qui évitait notamment l’écueil du pataud voire du vain. Yves et Le Daim était les plus attendus, trouvait quelques supporters assez farouches, mais dans l’ensemble, laissaient sur leur faim une partie des spectateurs, quand Perdrix rassemblait. Brillante comédie pouvait-on entendre. Pour notre part, et parce que les conditions d’accès à la Quinzaine étaient particulièrement rudes cette année, nous faisions l’impasse mais il nous tardait de découvrir cet intriguant Perdrix.
Notre avis rejoint l’avis générale, Perdrix s’avère intéressant à voir, à plusieurs titres. A commencer par la mise en scène inventive et qui aime à se jouer des situations. Là où d’autres réalisateurs auraient pris le parti de la fluidité narrative, Erwan Le Duc choisit pour sa part assez fréquemment la rupture narrative, l’insertion d’un objet ou d’un son impromptu dans le cadre par ailleurs parfaitement étudié dans ses symétries. L’humour qui en ressort est à rapprocher de celui qu’emploient par exemple Elia Suleiman, et avant lui Jacques Tati dans leurs poèmes visuels, mais à une dose plus homéopathique. L’absurde s’invite tout à la fois à l’écran mais aussi dans les situations, l’intrigue vaguement principale étant la recherche d’une voiture volée par une nudiste …
Si Perdrix nous fait sourire en ce qu’il convoque l’absurde, tout comme Yves et Le Daim parviennent également à le faire, il s’en distingue de façon singulière en ce qu’il porte un discours mine de rien assez idéalisant, ou en tout cas très bienveillant, vis à vis d’une France des à côtés, pour mieux critiquer le courant principal de la société.
Le film esquisse plusieurs portraits, celui d’un gendarme, d’une gendarmerie [ oh combien raillée, on se croirait presque dans un thriller coréen], d’une famille, et d’une jeune femme venue de nulle part, aussi intrusive que porteuse de renouveau.
Construit comme une comédie romantique, Perdrix comporte donc, en plus de ses quelques moments rigolos, une trame qui donne lieu à un certain brassage des intentions; d’une part l’amusement et la critique sociale, d’autre part, quelques pensées, réflexions, dans l’ensemble bien senties, et donc, une trame émotionnelle que l’on voit certes venir, mais qui permet au film de se tenir de bout en bout quand le procédé comique vient à s’essouffler. L’incongru, qui relevé par la mise en scène fait sourire, devient là aussi une arme quand il s’agit d’émouvoir; la singularité des personnages les rend attachants, le mélange de leurs univers d’apparence très contraires interroge tout autant qu’il séduit.