Prix du public du ArteKino Festival, Motherland est le premier long-métrage du réalisateur Tomas Vengris.
Peu après l’effondrement de l’URSS, Viktorija emmène pour la première fois Kovas, son fils de 12 ans, dans son pays natal. Elle s’est enfuie de Lituanie occupée par l’Union soviétique 20 ans auparavant et y retourne pour récupérer le domaine familial. Mais lorsqu’ils découvrent une pauvre famille russe habitant sur la propriété tombée en lambeaux, ils doivent réfléchir à jusqu’où ils sont prêts à aller pour réaliser leurs rêves.
Après l’embarquement dans l’aéroport, le film s’ouvre sur des images d’une jeune Vilnius redevenue indépendante. Au sein du voyage en voiture qu’effectuent Kovas -premier rôle de Matas Metlevski– et Viktorija –Severija Janusauskaite– nous pouvons voir à travers les yeux du premier des bribes de la ville. Du plan fixe de la tour de télévision -symbole de lutte contre les troupes soviétiques- aux anciennes tours d’immeubles soviétiques jusqu’au drapeau lituanien brandit fièrement dans le coin d’un bâtiment, nous aurions pu penser que le film serait un film politique autour de l’indépendance de ce pays dont l’histoire est encore si peu connue en Europe.
Mais la voiture s’enfonce dans la campagne lituanienne et ce contexte d’émancipation global laisse place au politique au sein de l’histoire personnelle de Viktorija et de sa famille. Entre retrouvailles timides et incompréhensions, le film narre le combat de Viktorija pour retrouver ses terres réquisitionnées par l’armée soviétique mais aussi les retrouvailles avec Romas, amour de jeunesse.
Le film adopte le point de vue du jeune garçon, Kovas, avec une manière de filmer – hors-champ/contre-champ fréquents – intéressante. Le jeu d’acteur du jeune garçon ainsi que son mutisme permettent une introspection et une découverte mutique de ce pays et de ces codes culturels qu’il ne connaît pas, et ne comprend pas toujours. Nous assistons donc à la découverte de ce nouveau monde à mesure de ce que vit l’enfant. Nous découvrons son regard sur Viktorija, sa mère et l’évolution de celle-ci: ses rapports avec son entourage la transforme et l’éloigne de plus en plus de Kolas.
De même, le fossé culturel entre ce jeune américain d’origine lituanienne et les autres enfants met en parallèle « la grande histoire » entre les Etats-Unis consuméristes et un pays fragilisé qui manque de tout -émerveillement des enfants devant les chewing-gums de Kovas ou encore de sa montre Casio dernier cri-.
La grande sensibilité du jeune garçon ainsi que ses questionnements sur sa propre identité et son passage de l’enfance à l’adolescence font écho à l’émancipation de jeunes adolescents, notamment au sein d’une fête nationale où ces derniers testent leurs limites. Le parallèle entre l’indépendance qu’ils essayent de trouver et l’indépendance retrouvée du pays est brillamment maîtrisée.
La force du film réside avant tout dans les rapports mère-fils à l’aune du changement de cadre de vie, il questionne le rapport à l’héritage culturel.
Certains reprochent au premier film de Tomas Vengris d’être trop conventionnel et filmé d’une manière trop académique. Pour un premier film, nous notons pour notre part la justesse remarquable de traitement et une approche dans son ensemble intéressante.
A la suite de la projection dans le cadre du festival Travelling 2021, nous avons eu la chance d’entendre Tomas Vengris aux côtés d’Olivier Père -directeur d’Arte Cinéma- et de Nicolas Thévenin -directeur de la revue Répliques-. Le jeune réalisateur nous a indiqué que son prochain film se passerait à Vilnius, explorant le thème de cinq histoires d’amour internationales ratées au sein d’un Air bnb dans la capitale lituanienne, histoires liées entre elles par la femme de ménage de ce logement. Une manière de faire le lien entre Vilnius et le reste du monde que nous avons hâte de découvrir.