Ex-scénariste à succès pour Danny Boyle notamment (La plage, 28 jours plus tard et Sunshine), Alex Garland, passé à la réalisation en 2014 avec Ex Machina, livre Men son troisième long-métrage. Garland signe avec ce film son retour sur les grands écrans des cinémas après Annihilation (2018, Le miroitement : faits, science, fiction) dont les droits de diffusion avaient été rachetés par Netflix. Men marque aussi pour le scénariste-réalisateur anglais une plongée plus prononcée dans un genre cinématographie à la peine : les drames horrifiques.
Après avoir vécu un drame personnel, Harper décide de s’isoler dans la campagne anglaise, en espérant pouvoir s’y reconstruire. Mais une étrange présence dans les bois environnants semble la traquer. Ce qui n’est au départ qu’une crainte latente se transforme en cauchemar total, nourri par ses souvenirs et ses peurs les plus sombres.
Le récit véhiculé par Men s’articule autour d’un personnage principal féminin prénommé Harper et interprété par Jessie Buckley. Des hommes (Men) gravitent autour d’elle. Ils sont l’incarnation du mal. Parmi les protagonistes masculins notons ceux incarnés par Rory Kinnear. L’acteur anglais, habitué des réalisations pour la télévision, propose de remarquables prestations. Son jeu d’acteur peut ici être placé entre celui de John Malkovich, avec qui il partage quelques traits physiques, et celui de Jack Nicholson. Cette comparaison pourra peut-être paraître aventureuse pour certains de nos lecteurs mais nous l’assumons au regard de l’interprétation multiple et juste fournie par Kinnear.
Alex Garland opte pour une narration chronologique entrecoupée de quelques flashbacks venant exposer la séparation entre Harper et son compagnon James (Paapa Essiedu). Cette rupture sentimentale (fruit défendu ?) constitue le prélude à un évènement dramatique autour duquel se noue l’intrigue horrifique imaginée par le scénariste-réalisateur. Le récit de Men est animé d’une moindre complexité que ceux de Ex Machina ou Annihilation. Il ménage ainsi peu d’originalité et peu de surprise au regard du genre cinématographique abordé. La symbolique avancée étant vite dévoilée, le récit peut s’avérer somme toute assez convenu ce qui constitue à nos yeux une petite déception quand nous nous référons au passé de scénariste de Garland. Ainsi, il n’y a pas pour les spectateurs l’effet perte de l’espace spatio-temporel constaté dans les deux longs-métrages précités. C’est regrettable car cet aspect aurait permis d’épaissir la narration en la rendant plus mystérieuse encore.
La réalisation de Men est précise et soignée. Nous pouvons en l’occurrence souligner la très belle captation des sons naturels émis par l’environnement extérieur et ses composantes animales et végétales. Nous retrouvons toute l’appétence de Garland à filmer une nature luxuriante comme nous l’avions constaté dans Ex machina et Devs (201x). De même, il a de nouveau privilégié un tournage dans un nombre restreint de lieux ce qui favorise l’émergence recherchée d’un sentiment de claustrophobie. En cela, le manoir habité, voire hanté, offre un excellent écrin à dessein.
La narration relève d’un cauchemar éveillé au féminin. C’est comme un tunnel dont on discerne l’issue au loin mais hanté de multiples échos et résonnances, éléments d’ailleurs répliqués, comme nos Men, dans une bande son mêlant échos et vocalises baroques. Il en résulte un véritable film mental et d’ambiance. En cela Men ne déroge pas aux autres films composant la filmographie de Garland. Par contre, le scénario ne s’appuie pas sur des éléments scientifiques ce qui contribue au développement d’un récit plus simple comme évoqué plus haut. Comme ses aînés, ce long-métrage est aussi une proposition visuelle. Ici, le style visuel adopté est moins marqué que celui qui drapait notamment le final d’Annihilation. Les recherches visuelles émaillant Men sont en effet moindres mais les efforts portés sur la mise en scène et sa mise en images méritent d’être soulignés. Ils font de ce long-métrage une œuvre assez caractéristique et singulière.
En définitive, Men constitue à ce jour le récit le plus abordable de Garland sous condition pour les spectateurs d’apprécier le genre horrifique sur grand écran. L’ensemble est rehaussé d’éléments d’ordre fantastique et parfois même fantasmagorique. La notion du deuil y est interrogée ainsi que la toxicité du genre masculin que doit combattre Harper. Ce genre masculin, ici reproducteur au même titre que son homologue féminin, hante de bout-en-bout Men, film de… genre(s).