Pas encore quarantenaire, Louis Garrel, côté réalisateur, est à la tête d’une filmographie amorcée par trois courts-métrages composés entre 2008 et 2011 et poursuivie par désormais quatre longs-métrages réalisés depuis 2015. Le dernier en date est L’innocent qui, contrairement à ses prédécesseurs restés somme toute assez marginaux et moyennement appréciés, semble accompagné par un certain enthousiasme de la critique. Dès lors, l’an 2022 marquerait-il la révélation d’un nouveau cinéaste ?
Quand Abel apprend que sa mère Sylvie, la soixantaine, est sur le point de se marier avec un homme en prison, il panique. Épaulé par Clémence, sa meilleure amie, il va tout faire pour essayer de la protéger. Mais la rencontre avec Michel, son nouveau beau-père, pourrait bien offrir à Abel de nouvelles perspectives…
L’innocent démarre sur des notes musicales des plus populaires. Le générique de début est en effet habillé musicalement par une chanson à succès de Herbert Léonard. Pour cette réalisation, Louis Garrel réitérera ce choix à plusieurs reprises et de façon très métronomique, jetant du même coup un soupçon sur la caractère « calculé » de ce procédé. La bande-son du métrage est ainsi émaillée de tubes musicaux tous empruntés aux années 80 (Herbert Léonard, Catherine Lara, Gérard Blanc, etc.). Pourtant, l’action du film est contemporaine et donc étrangère aux années Mitterrand. Sans autre forme d’interrogation, ce choix surprenant plaira au plus grand nombre. C’est là, très probablement, l’objectif visé. L’innocent combat dans la catégorie pléthorique des films français populaires. Il l’est dès ses premiers instants et le restera jusqu’à son générique de fin qui répond aux mêmes attendus que le générique liminaire.
Ces chansons à succès des années 80 présentent l’avantage de venir dynamiser une mise en scène certes maîtrisée notamment dans son mélange des genres cinématographiques visités (comédie, romance, polar, film de casse) mais très convenue en l’absence de toute prise de risque. En cela, L’innocent est parfaitement raccord avec les « normes » du cinéma actuel. Les spectateurs les plus avertis pourront, à juste titre, critiquer l’usage d’écrans divisés et de mouvements circulaires de la caméra rarement appropriés et dont il est donc illusoire de chercher une quelconque signification. A cette mise en scène alourdie donc de quelques afféteries se joignent des dialogues sans éclats. Ils sont symptomatiques d’un scénario crédible (si on fait abstraction du rôle dévolu à Noémie Merlant) mais insuffisamment travaillé dans les interactions entre les protagonistes. On aurait aimé constater de la part des coscénaristes, Garrel et Tanguy Viel, une plus grande profondeur des personnages mis en scène.
En somme, une réalisation anonyme car Louis Garrel, comme dans ses trois autres longs-métrages réalisés, se met en scène dans le rôle-titre. On ne peut être devant la caméra (très souvent) sans délaisser l’autre côté de la caméra, celui, plus technique, de la mise en scène et de la réalisation. L’innocent ne révèle donc malheureusement pas un nouveau réalisateur et encore moins un cinéaste dans lequel on aurait détecté quelques singularités de narration et/ou de mise en scène. Dès lors, l’apport de Garrel est peut-être à rechercher au niveau de la direction d’acteurs. Non, rien non plus n’est notable sur ces aspects. Au contraire, L’innocent comporte quelques passages un peu forcés en matière d’interprétation notamment chez Merlant. La leçon de direction d’acteurs serait plutôt donnée par Roschdy Zem en cours de métrage lors d’une séance de répétition d’une pièce de théâtre. La vraie belle idée dans le choix du casting réside en la personne d’Anouk Grinberg. L’actrice semble ici s’offrir une renaissance tant attendue et espérée.
A défaut donc de révéler un nouvel auteur, L’innocent constitue une proposition cinématographique agréable animée d’une certaine imprévisibilité et d’un bon dynamisme malgré une mise en place trainant un peu en longueur.