Il y a dans Les destinées d’Asher une indéniable part autobiographique de son auteur. Elle n’est pas à rechercher du côté du rôle principal – Asher – mais de celui de son professeur de littérature incarné par Ami Smolartchik. Matan Yair, ancien enseignant de littérature et d’histoire, signe ainsi un premier long-métrage de fiction empreint d’une vraie valeur sociétale nullement limitée aux contours de la société israélienne.
Dès l’école primaire, puis au collège et au lycée, Asher, 17 ans, a toujours été un fauteur de troubles impulsif. Il a du mal à se concentrer en classe, est sujet à des accès de colère et de violence. Il est toutefois également doté d’un grand charme et se montre extrêmement débrouillard. Son père, très strict, le considère comme son successeur naturel qui reprendra l’affaire familiale d’échafaudages, mais Asher trouve un autre modèle masculin en la personne de son professeur de littérature, Rami, et noue avec ce dernier une relation très particulière. Déchiré entre ces deux mondes, Asher se cherche une autre vie et une nouvelle identité. Une tragédie soudaine le soumet à une ultime épreuve qui forgera sa maturité.
Dans Les destinées d’Asher dont le titre original est Scaffolding (échafaudage), Matan Yair fait la part belle à son personnage-titre incarné par Asher Lax. Bachelier perturbateur et insaisissable, Asher est mis à l’épreuve d’une vie qu’il faut se contraindre à échafauder. Et le premier élément de l’échafaudage à mettre en place est l’obtention d’un baccalauréat qui n’inspire guère notre héros au profil physique du multi-redoublant fort en gueule mais beaucoup moins en thèmes.
L’apprentissage d’une vie peut aussi passer par des rencontres insoupçonnées. Celle qui va lier Asher à Rami, son professeur de littérature sous les traits d’Ami Smolartchik, met face-à-face deux individus n’appartenant pas à la même génération. Là encore, il sera question de bâtir quelque chose malgré les divergences de point de vue et des trajectoires personnelles qui n’ont pas vocation à se croiser. Ainsi va la vie, vaste assemblage souvent disparate de faits, d’évènements et de décisions. In fine l’échafaudage ainsi monté symbolisera une existence dont la qualité des fondations déterminera le degré de précarité.
En matière de mise en scène, Yair adopte une veine très réaliste et très sage. Aucun effet de forme ne vient détourner l’attention des spectateurs d’un fond également réaliste, fruit de l’observation du réalisateur-scénariste. Quelques nids-de-poule sont observés dans la progression scénaristique qui ménage cependant un revirement très inattendu. Par voie de conséquence, le rythme des Destinées d’Asher pâtit par instants d’un certain flottement venant desservir la densité narrative.
Par contre, la direction des acteurs est remarquable. Dans les deux rôles principaux et dans des registres très différents, Lax et Smolartchik livrent chacun une belle performance. Pour le premier nommé, Les destinées d’Asher constitue une première expérience devant une caméra. Son interprétation, guidée alternativement par des impulsions animales et une douceur touchante, s’avère déjà solide et digne d’intérêt. Plus expérimenté, Smolartchik convainc encore plus au point de nous faire regretter que, pour des raisons scénaristiques, son personnage soit contraint de disparaître de l’écran avant le terme du film.