Kheìdidja, la quarantaine, travaille pour une famille parisienne aisée qui lui propose de s’occuper des enfants le temps d’un été en Corse. L’opportunité pour elle de retourner avec ses filles, Jessica et Farah, sur cette île qu’elles ont quittée quinze ans plus tôt dans des circonstances tragiques. Alors que Khédidja se débat avec ses souvenirs, les deux adolescentes se laissent aller à toutes les tentations estivales : rencontres inattendues, 400 coups, premières expériences amoureuses. Ce voyage sera l’occasion pour elles de découvrir une partie de leur histoire et de se rapprocher.
Le Retour reprend le ton si particulier de Catherine Corsini, fait d’humour parfois grinçant, de convictions politiques assumées, de vivacité, ton qui vise un dialogue entre les contraires. La réalisatrice française – à qui l’on doit le très drôle et vif La Fracture, qui marquait son retour sur le devant de la scène (succès public et critique)-, plutôt que de revenir sur les différentes polémiques que le film a suscité et suscite encore (accusation d’harcèlement à son encontre, et accusations autour d’une scène à caractère sexuel impliquant des mineurs où deux personnes masculines – non citées, auraient eu des gestes déplacées, sans que Catherine Corsini, ou sa productrice, n’aient eu recours à un coach d’intimité) l’avouait en conférence de presse: la façon dont elle pense le cinéma, dont elle vit le cinéma, est affaire de réconciliation. Ainsi, à bien y regarder, Le Retour pourrait être une suite, à La Fracture, ou même à La Nouvelle Eve, dans ses intentions dramatiques: des personnages aux destins contrariées, qui vivent des épisodes douloureux, luttent dans l’existence, résistent, mais trouvent de la force dans leurs défenses naturelles, dans une énergie débordante, le tout avec humour.
La Fracture tenait du théâtre, avec des dialogues ciselées au cordeau, et des transitions très pensées d’une scène à l’autre, pour garder le dynamisme. Le quasi huis-clos confrontait deux personnages de classe opposées, un homme issu du peuple, et une bourgeoise. L’amour les attend au cordeau, bien aidée par des convictions politiques somme toutes compatibles (de gauche dirons-nous). Le Retour reprend ces principes de base, s’intéresse à des rencontres entre classes, relevant quelque part du conte de fée, mais cette fois inscrit le récit dans une corse lumineuse et solaire, tout d’abord présentée sous son angle touristique (les jolis paysages, les plages et montagnes), avant de petit à petit pénétrer les intérieurs, la Corse traditionnelle, ses problèmes, la violence qui la gangrène, les omertas, et le machisme. Les murs de l’hôpital parisien, sa lumière d’intérieur bleue, les entrées-sorties ciselées façon boulevard, laissent dans Le Retour la place aux travellings, aux déplacements dans des espaces naturels, à des lumières naturelles estivales, en parfait contrepoint de La Fracture.
Pour Catherine Corsini, sans que cela ne soit très implicite ou marquée, il s’agit d’un sujet intime, qui remonte à son enfance, à ce père qu’elle n’a pas connu. Souhaitant, peut être par pudeur, apporter d’autres dimensions au récit, mieux traduire mieux la France d’aujourd’hui, elle choisit d’y rajouter deux thématiques tierces dont elle se sent plus étrangère, la jeunesse, et la difficulté de l’intégration. Dans le même temps, le propos interroge la bien-pensance de gauche.
Pour que la fiction gagne en modernité et véracité, Corsini s’appuie sur sa co-scénariste mais aussi ses acteurs et actrices qui improvisent et fleurissent parfois le langage pour apporter de l’acuité et de la vivacité. Elle décide, car le film ne vise pas tant le réel qu’une utopie – comme si souvent dans la filmographie de Corsini -, de complexifier le récit en multipliant les intrigues, se risquant à insérer par exemple une histoire amoureuse entre une jeune bourgeoise blanche oisive, et la plus introvertie et studieuse des deux sœurs (l’aînée), à mettre l’accent sur la profonde différence de nature entre les deux sœurs, ou encore à introduire un adolescent corse de bonne famille, détestable par son attitude machiste, qui jouera un rôle important dans l’affirmation de la sœur cadette, et le jeu d’opposition auquel les deux adolescentes se livrent, pour s’affirmer dans la contradiction l’une de l’autre.
Nécessairement, en ce qu’il brasse large, le rythme du film ne laisse pas une grande place à la narration explicative. Corsini préfère instaurer une dynamique qui laisse place à des réflexions sur les ressentis psychologiques des différents personnages. Les dialogues, de leur côté, laissent une place importante à des saillies comiques. Car, ne nous y trompons pas, quoi qu’il fut sélectionné en Compétition Officielle à Cannes, Le Retour se veut et s’affirme, avant toute chose, comme une comédie, qui vise à faire sourire et espérer plus qu’à noircir le trait, même si des thématiques graves s’y glissent en sous-texte, car Corsini aime livrer sa vision du monde.