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Jeanne du barry

Un film de Maïwenn

Avec: Maïwenn, Johnny Depp, Pierre Richard, Noémie Lvovsky, Benjamin Lavernhe, India Hair, Melvil Poupaud, Pascal Greggory, Ibrahim Yaffa, David Decraene

Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre… Avec la courtisane, le Roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour.

Notre Avis : **

Nous étions curieux de découvrir le nouveau film de Maïwenn dans un style très différent de ses réalisations précédentes. Nous pouvions craindre que le film à costume ne vienne encombrer son cinéma, qui aime à se saisir d’une matière « humaine » à haut potentiel émotionnel – ses premières réalisations rappelèrent, à juste titre, la poigne d’un Pialat. Ce récit autour de la personne de Jeanne Du Barry n’est pas à proprement parler un récit en « Je », autre singularité de son cinéma, mais comporte cependant quelques traits qui peuvent évoquer la biographie de Maïwenn. Ajoutons à cela que l’aînée des sœurs Le Besco a proposé le rôle de Louis XV à Johnny Depp – qui s’exprime en français avec aisance – il n’en fallait pas moins pour que notre curiosité se porte sur le film d’ouverture de Cannes2023. En premier lieu, sur le plan esthétique, Jeanne Du Barry nous a séduit et tient peut être du plus beau film de Maiwenn. Les costumes raffinés, les décors du château de Versailles naturellement majestueux et photogéniques, les cadres très travaillés qui laissent place à de jolies compositions du début à la fin, instaurent une intéressante élégance.

Les mouvements de caméra, lents, suggèrent subtilement une plongée dans un monde à part, sophistiqué, codé, source d’attirance pour le personnage principal qui se refuse à sa condition. L’interprétation de Johnny Depp, dont on pouvait douter de l’excellence dans un rôle et une posture si française – et au vu des rumeurs d’ambiance délétère sur le tournage-, apporte, façon Brando, une dose magnétique qui sert parfaitement le film. La thématique principale, que l’on situe autour de la condition féminine à cette époque, présente un intérêt notoire, et des reliefs et à côté qui se prêtaient parfaitement à des motifs narratifs littéraires, subtils, comme le très réussi Les Adieux à la Reine (Benoit Jacquot). Mais le bât blesse précisément sur cette forme narrative retenue par Maïwenn, résolument au premier degré, qui manque d’un peu prêt tout pour nous captiver: de souffre, de souffle, de nuances, d’Histoire, d’histoires dans l’Histoire, comme empêchée par la voix off, ou même, paradoxalement, par la réussite formelle. Le cadre propre, académique, ôte à Maiwenn probablement sa capacité à faire ressortir avec force et inventivité sa rage, comme elle avait su le faire en usant de procédés cathartiques, de mises en abîmes familiales et de brouillage de piste entre fiction et réalité. Ici, la fiction prend toute la place, et s’adresse à un public assez large. Maiwenn y tient le premier rôle, et l’habit de courtisane qui se rêve reine ne lui convient pas parfaitement, son interprétation, une fois n’est pas coutume, nous laisse de marbre sur le plan affectif, et le procédé d’identification entre Maiwenn et Jeanne Du Barry opère d’autant moins, que la réalisatrice française s’est autorisée quelques saillies caricaturales et répétitives- les filles du roi, mais aussi les codes de la cour, qui certes apportent une dose de légèreté, mais finissent par produire un parfait contre-effet … A vouloir plaire au plus grand nombre, Maiwenn perd en puissance, et manque de doter son film d’un relief intellectuel ou culturel qui lui aurait apporté d’autres lettres de noblesse.

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