Dans une veine résolument réaliste, Dario Albertini dessine le portrait très contemporain de son personnage-titre. Il figlio, Manuel chemine entre récit d’apprentissage et conte moral. En sortie DVD le 18 juillet, ce premier film de fiction est la continuation directe du documentaire La repubblica dei ragazzi réalisé en 2015 par le cinéaste italien sur une institution d’accueil d’orphelins de même nom dans la banlieue romaine.
Manuel vient d’avoir 18 ans. Il est temps pour lui de quitter le foyer pour jeunes dans lequel il a vécu ces dernières années, depuis l’incarcération de sa mère. Mais la liberté retrouvée a un goût amer. Errant dans les rues de son quartier en banlieue de Rome, Manuel tente de devenir un adulte responsable. Pour que sa mère obtienne l’assignation à résidence, il doit prouver aux autorités qu’il peut veiller sur elle. Manuel pourra-t-il aider sa mère à retrouver sa liberté sans perdre la sienne ?
Dario Albertini a assuré la réalisation de Il figlio, Manuel mais aussi l’écriture de la musique et de celle du scénario avec le romancier Simone Ranucci. Bien que fictionnel, le récit n’en est pas moins inspiré d’histoires vraies qui, couplées aux aptitudes documentaristes du réalisateur, sont la caution du fort réalisme ambiant du film. Cet aspect est accentué par un filmage caméra à l’épaule qui ne s’éloignera jamais longtemps de Manuel incarné par Andrea Lattanzi, jeune acteur à l’interprétation retenue.
Dès l’entame du film, Manuel est le personnage à suivre par son omniprésence à l’écran et dans le quotidien de son foyer d’accueil. Ses interlocuteurs, souvent anonymes, apparaissent à l’écran rarement de face et floutés par un focus réglé sur la grande stature nonchalante de Manuel. Grand frère par la taille comme par le statut, Manuel endosse le rôle d’un médiateur respecté.
Progressivement, la caméra prend du recul pour observer à une juste distance Manuel sortant de l’institution qui l’accueillait. En gardant cette distance jusqu’au terme du film, Il figlio, Manuel donne à voir la figure tutélaire des jeunes pensionnaires devenir un adolescent tuteur de sa mère emprisonnée. Albertini et son coscénariste traitent sans pathos de l’inversion des rôles entre une mère et un fils qui ne sera pas sans conséquence sur Manuel dominé par un sentiment d’égarement et de confusion.
Linéaire dans son déroulement et sa tonalité, le récit se concentre très largement sur cette relation avec pour point de vue exclusif celui du fils-tuteur. Ainsi, il est accordé peu de place aux autres personnages qui croiseront la trajectoire de Manuel. Dommage, certaines de ces rencontres auraient mérité un traitement plus approfondi. De même, le présent fait l’objet de toutes les attentions. Le passé reste évasif alors que le futur est à peine évoqué à travers la Croatie, semblable à l’Italie rêvée des années 60 mais désormais en travaux (réseau ferré) ou peinant à redémarrer (triporteur).
Le dernier plan de Il figlio, Manuel synthétise le regard porté sur la société italienne. Le parti pris adopté par Albertini – sobriété, réalisme et sincérité non partisane – laisse peu de place à une possible contradiction.