Un film d’Hailey Spicer, Austin Spicer
Avec: Elijah Passmore, Nandi Summers, Corin Nemec, Jana Lee Hamblin, Braeden Sorbo, Blake Amadeo, Kevin Sorbo, Dean Cain, Daniel Roebuck, Pam Renall
Ozzy Taylor, un jeune lycéen, découvre qu’il souffre d’un Trouble Obsessionnel Compulsif suicidaire. À cause de ce TOC, il n’arrive pas à contrôler ou à se débarrasser de son obsession du suicide et cela, malgré une joie de vivre indéniable.
I feel fine appartient à ces rares films qui, parce qu’ils ambitionnent de traiter leur sujet avec une forme pouvant surprendre, procure au spectateur une impression multiple, étrange et interrogatrice. D’un côté, le film procède de manière très méticuleuse pour instaurer une ambiance solaire, lumineuse et enrobe le récit d’une musique pop très contrastante avec la gravité du sujet principal. Celle-ci épouse parfaitement l’intention manifeste d’évoquer ce sujet de manière douce, bienveillante, et de faire appel à l’empathie du spectateur pour qu’il s’immisce dans l’esprit du jeune homme (Ozzy) quant à son rapport à l’au-delà; à sa pulsion suicidaire qui l’envahit, le questionne, et contre laquelle il ne lutte pas réellement, car plus forte que lui, et car elle lui procure une impression bienheureuse, qui lui fait dire, à qui veut l’entendre, qu’il « se sent bien ».
Outre son atmosphère mélancolique, voire nostalgique, I feel fine détonne par le peu de place qu’il accorde à la psychiatrie, voire à la psychologie, au point de vue « médical » d’une manière général, voulant ici probablement toucher à quelque chose de plus universel, au delà du cas isolé d’Ozzy. Hailey et Austin Spicer cherchent avant tout à normaliser Ozzy, à le rendre aimant, aimé, faisant donc le choix de proposer au spectateur une lecture essentiellement basée sur l’émotion, voire le sentiment, mais aussi quelque part, à placer le récit sous l’angle moral, avec un relent religieux. Etonnamment, le doux-amer instauré, qui viserait, d’ordinaire, à protéger le spectateur d’une approche trop immédiate, brutale ou triviale, produit ici un effet, au final, analogue : très vite nous intégrons le drame comme seule issue possible. Si la douceur d’ensemble nous attache au personnage et à ceux qui l’aiment, le spleen n’en devient que trop perceptible, et l’intention de faire couler des larmes démasquée… Par extension, le procédé au lieu de nous émouvoir et de nous saisir, tend au contraire, délibérément, à désamorcer l’impact dramatique. Là aussi, l’effet devient double, puisqu’il s’agit de prendre les choses avec philosophie, d’ouvrir les yeux sur une façon de voir les choses apaisée, conciliatrice – à l’instar des paroles apaisantes chrétiennes qui considèrent la mort comme un départ vers un monde meilleur; un contraste se fait jour. A mesure que l’intention se dévoile, nous nous détachons d’une part mystérieuse du récit, captivante, qui venait à poindre, et que l’on imaginait si ce n’est matière première, indications ou éclairages, d’ailleurs amenée avec subtilité, parcimonie, et délicatesse.
Derrière les apparentes conditions à l’épanouissement, au bonheur, l’image de la famille protectrice, semblent se camoufler des zones d’ombre, des non dits, très lourds à porter pour Ozzy, hypersensible. La vie « heureuse » qu’il ressent parfois, le sourire qu’il arbore en quasi toute occasion, en société, masque un mal être lié à des angoisses profondes, que ce soit la crainte d’un avenir sombre, ou quelques constats hautement déceptifs quant à ceux qu’il aime.
Ainsi, I feel fine semble nous partager, à demi-mot, que le spleen du jeune homme pourrait trouver, pour partie, ses origines dans les quelques failles dysfonctionnelles, familiales et éducatives, notamment la relation imparfaite, déséquilibrée entre ses parents, – sa mère, femme terre à terre, notamment, ne semble pas totalement heureuse avec son mari, homme lunaire, passionné, voire absent; elle se sent délaissée; qui entretient avec Ozzy une relation qu’elle juge parfois irresponsable – mais aussi d’autres motifs d’insatisfaction voire de désenchantement. Ainsi, lorsque la sœur d’Ozzy tombe enceinte du meilleur ami de ce dernier, Ozzy se sent trahi mais ne l’exprime pas, d’autant que son ami nous est présenté comme un adolescent qui cherche avant tout à multiplier les conquêtes, pour affirmer sa sexualité, soigner son image de séducteur auprès de son auditoire masculin. Ozzy, très secrètement, ne peut que constater ce qu’il voit comme un manque de respect pour lui, pour sa sœur, et que sa famille accueille avec bien plus de légèreté que lui, sans ressentir le danger d’une rupture blessante inéluctable, comme lui le ressent.
Son hypersensibilité se manifeste également à lui au quotidien, quand il s’agit de considérer son horizon personnel. Là aussi, il fait preuve d’une lucidité froide, en contraste total avec ce que vivent ses camarades, incapable, leur avoue-t-il, de se projeter dans un avenir professionnel radieux, ou même d’en entretenir l’espoir.
Quel dommage donc que le drame – probablement par souci d’équilibre, de juste milieu vis à vis d’une recherche d’efficacité-, l’appel aux larmes notoire, qu’une romance naissante viendra appuyer, reviennent soudainement à nous, qu’ils se télescopent et se superposent avec une entreprise naturaliste, un sous-texte subtil, profond, délicat et pudique à l’instar d’Ozzy.