Mathieu habite Paris, Alice vit dans une petite cité balnéaire dans l’ouest de la France. Il caresse la cinquantaine, c’est un acteur connu. Elle a dépassé la quarantaine, elle est professeure de piano. Ils se sont aimés il y a une quinzaine d’années. Puis séparés. Depuis, le temps est passé, chacun a suivi sa route et les plaies se sont refermées peu à peu. Quand Mathieu vient diluer sa mélancolie dans les bains à remous d’une thalasso, il retrouve Alice par hasard.
Le réalisateur rennais Stéphane Brizé prend des risques et tente quelque chose, à la croisée entre Sautet, Kaurismaki voire Hong San Soo …Expérimentation sur le fond mais aussi sur la forme, qui abandonne le format téléfilm usuel de ses films plus Loachiens, pour s’aventurer sur une mise en scène plus minimaliste, plus évocatrice également, se jouant du vide, des lignes droites et cadres que les décors intérieurs et extérieurs proposent. Brizé troque Lindon contre Canet pour un rendu moins dans le pathos, plus léger et intérieur. Ce changement de cap lui vaut d’alterner le très bon et le pire.
En très appréciables, nous louons la musique, les métaphores et allusions, les thèmes abordés, très introspectifs: l’ambition, les amours, la confiance en soi, la peur de l’échec, l’audace, l’ennui, la répétition, le rapport à la passion, …. Mais aussi la scène d’amour silencieuse, la proéminence de l’indicible, de la question existentielle, l’atmosphère générale qui fait la part belle à la nostalgie, les réflexions à la Sautet sur les petites choses qui font toutes la différence, le comique Kaurismakien qui traverse l’esprit d’un Canet épuisé et perdu dans sa trajectoire de vie, dont on suppose un effet miroir, la réflexion autour de la nature, du retour à la simplicité. Enfin, Quiberon, hors toute agitation, constitue manifestement un troisième personnage, et rappelle également, probablement en clin d’œil, le rôle que la presqu’île joua dans l’existence de Romy Schneider, en proie aux plus terribles doutes existentielles.
Tout ceci aurait pu en faire un excellent film si d’autres ingrédients ne venaient ternir la copie générale: une romance fumeuse, de fréquents échanges sms longuets si peu cinématographiques, le développement du quotidien d’Alice (interprétée par Alba Rochwacher, la petite histoire voulant qu’elle se prénomma Alice dans la première version du synopsis, probablement en hommage à Romy Schneider et Claude Sautet là aussi), et surtout, la tentative ratée de conciliation entre le ringard (le provincial, la vieille France, le hors-saison) et le moderne sociétal (remariage entre femmes âgées) qui sonne faux, détourne totalement le film de sa note principale malgré le message subliminal renfermé. Sur ce passage, nous en venons même à nous demander si Brizé n’était pas lui même, à l’instar de son personnage principal, en total manque d’inspiration …
Ce déséquilibre s’avère fort dommage, d’autant que le risque pris mérite d’être souligné et encouragé. Les bons instants du film ont de quoi résonner en chacun, et Brizé aurait pu s’inscrire dans une lignée que le cinéma français a quelque peu abandonnée (moins que le naturalisme Pialesque ceci-dit, preuve en est la très faible diffusion en France du très beau Astrakan sortie en 2023), celle de Sautet en fin de carrière, dans sa période la plus intime, qui se laissait deviner dés les Choses de la vie, ou César et Rosalie. Ces films interrogent, tout comme Hors-saison, une existence au regard des choix que le flot de la vie nous amène à effectuer, qu’ils soient professionnels ou amoureux.
A chaud, après sa diffusion en compétition à Venise, Shiva retenait surtout le négatif.