Un couple de cinéastes s’installe pour écrire, le temps d’un été, sur l’île suédoise de Fårö, où vécut Bergman. A mesure que leurs scénarios respectifs avancent, et au contact des paysages sauvages de l’île, la frontière entre fiction et réalité se brouille…
NOTRE AVIS 1: ****
Bergman Island propose une narration très particulière, voire post-moderne, basée sur plusieurs niveaux de mise-en-abyme qui se mélangent les uns aux autres et interagissent ensemble. Mais cela n’est pas la seule raison pour laquelle nous l’apprécions. L’histoire se passe dans l’île de Faro, là où Ingmar Bergman a vécu et a réalisé plusieurs de ses films. Dans ce décor naturel magnifique, le film offre un plaisir inoubliable aux admirateurs de l’œuvre et de la vie de Bergman.
NOTRE AVIS 2: *(*)
Mia Hansen-Love, de film en film développe une vision du cinéma qui lui est propre et qui se détache de ses propres modèles. Parmi ceux-ci, deux reviennent très souvent, Eric Rohmer d’une part, et d’autre part, celui qui pour elle et tant d’autres cinéphiles fait office de monstre sacré: Ingmar Bergman. En Suède, sur l’île de Faro, le maître aussi acclamé pour son œuvre, que décrié pour ses actes (son rapport aux autres, à ses femmes, à ses enfants, et surtout sa période trouble pendant la seconde guerre mondiale), fait déplacer les foules, et l’île de Faro développe un circuit touristique le Bergman Tour, pour tous ceux qui cherchent à marcher sur ses pas et à trouver l’inspiration.
Là se situe le point de départ de Mia Hansen-Love, partager, à l’instar de Doilon avec Rodin, au travers d’un processus filmique que la réalisatrice française souhaite au service de son sujet et non à fonction de précepte, ses réflexions, observations, ressentis, sur ce que ce que la page blanche fait naître en elle, et par extension, en tous.
Plus particulièrement, elle s’intéresse à la nature de la création au sein d’un couple, l’adhérence que cela peut avoir. Mia Hansen-Love en atteste: d’une part, le sujet lui appartient, puise dans son intime, mais d’autre part, il s’agit d’une pure fiction. Ainsi son propre voyage à Faro n’était pas un voyage en couple, mais un voyage solitaire. Bergman island naît donc davantage de son imagination que de son vécu, et Vicky Krieps comme Tim Roth, ne sont pas à proprement parler des doubles, mais bien des personnages de fiction, à qui elle a demandé de puiser dans leur propre vécu. Présentée très souvent comme la cinéaste de la subtilité, de la ligne entre les lignes, Mia Hansen-Love nous propose avec Bergman Island un film qui s’attaque à un sujet universel, mais mal circonscrit, et qui hésite à s’aventurer avec aplomb à certains décors pourtant à la base du projet: la montagne sacrée Bergman, l’homme Bergman, son style, son œuvre, les paysages qu’il a magnifiés et immortalisés dans ses films, mais aussi le débat de plus en plus moderne autour de la question de la séparation de l’oeuvre et de l’artiste.
En cela, la première partie du film n’est qu’une fausse piste. La seconde partie s’aventure, elle, dans un processus qui là aussi prend (trop) de précautions. Il s’agit de narrer le potentiel film d’amour que Mia Hansen Love aurait pu écrire à Faro, si elle s’était détachée de Bergman. Le moyen métrage au sein du long métrage perturbe plus qu’il n’intrigue ou prolonge le récit principal. Bergman Island, au final, semble avoir, malgré lui, développé un sujet incongru et non souhaité: l’hésitation.