En 2017, l’ambition narrative et formelle mise dans Au revoir là-haut (Populaire et ambitieux) avait été saluée par cinq César dont ceux du meilleur réalisateur et de la meilleure adaptation attribués à Albert Dupontel. Dans Adieu les cons, l’acteur-réalisateur fait œuvre assurément plus contemporaine et plus nihiliste. Le réalisme prime dans cette nouvelle réalisation. Son événement déclencheur est une naissance sous X. Le film, lui, est clairement identifiable.
Lorsque Suze Trappet apprend à 43 ans qu’elle est sérieusement malade, elle décide de partir à la recherche de l’enfant qu’elle a été forcée d’abandonner quand elle avait 15 ans. Sa quête administrative va lui faire croiser JB, quinquagénaire en plein burn out, et M. Blin, archiviste aveugle d’un enthousiasme impressionnant. À eux trois, ils se lancent dans une quête aussi spectaculaire qu’improbable.
La trajectoire d’Albert Dupontel dans le cinéma français est assez singulière. D’abord humoriste, puis acteur et acteur-réalisateur depuis Bernie réalisé en 1996, Dupontel ne tait pas pour autant ses préférences. Faire l’acteur n’est pas chez lui une finalité. Il manifeste de longue date un intérêt bien plus grand pour la direction d’acteurs, la mise en scène et la réalisation technique de ses longs-métrages. Dans Adieu les cons, Dupontel est tout à la fois scénariste, acteur et réalisateur. Cinéphile aussi dans l’âme, il dédie ce film à Terry Jones et offre un caméo à Terry Gilliam autre membre des Monty Python. Pareilles apparitions avaient déjà été proposées à ce dernier dans Enfermés dehors (2006) et 9 mois ferme (2013). Là encore, Dupontel ne s’en cache pas, Adieu les cons est inspiré de Brazil que Gilliam avait réalisé en 1985. La référence va ainsi jusqu’à attribuer à certains personnages une identité identique à celle des protagonistes de Brazil (Lint, Kurtzmann, Tuttle).
Devant la caméra, Dupontel interprète J.B. Cuchas, cinquantenaire inhibé, dépressif et non porteur d’une « défense auto-immune très forte ». En brillant homme-système qu’il est, il a toute sa place, pense-t-il, dans cette société contemporaine sécuritaire placée sous surveillance vidéo. Le système mis en œuvre demeure cependant perméable dans sa partie « informatisée ». Le trio principal est complété par Suze Trappet et Serge Blin, respectivement incarnés par Virginie Efira et Nicolas Marié. Si l’actrice signe sa première collaboration avec le cinéaste, l’acteur est un « habitué » tout comme Bouli Lanners, Michel Vuillermoz et Philippe Uchan qui officient ici dans des rôles secondaires.
Le titre Adieu les cons est accrocheur et résonne comme un vaste programme qui ne peut tenir dans les moins de quatre-vingt-dix minutes que dure le film. Dans la quête administrative proposée, le périmètre d’investigation sera réduit par nécessité. Qui sont donc les « cons » évoqués par le titre ? La scène d’ouverture introduit le personnage de Suze Trappet. Face à elle, son médecin use dans son diagnostic médical d’une métaphore dont la teneur n’est pas gratuite… L’épilogue nihiliste du film, au risque de paraître incongru car en possible conflit au regard de la progression du récit, confirmera explicitement la compréhension d’alors. Celle-ci est d’ailleurs entretenue durant tout le métrage par les « motivations » du personnage interprété par Marié.
Adieu les cons, bien réalisé et correctement écrit, est émaillé, comme souvent chez le cinéaste, de plusieurs scènes très cinématographiques. Dupontel ne se complaît guère dans la facilité dès qu’il s’agit de mise en scène et de mouvements de caméra. L’une des compositions constitue, trucage vidéo en plus, un clin d’œil explicite à Nikita Mikhalkov en revisitant une séquence emblématique de Quand passent les cigognes (1957). De film en film, Dupontel cherche sans cesse à gravir les marches de la mise en scène dont les maîtres-mots pourraient être expressivité et story-boarding.
Sur le plan de la narration, Adieu les cons jouit d’une frénésie coutumière aux réalisations de Dupontel. Les nombreux rebondissements quelque peu inégaux nuisent cependant au rythme narratif. Celui-ci, d’abord excellent, devient ensuite plus incertain jusqu’à un épilogue discutable dans son parti pris.
Bien que moins abouti dans son canevas narratif que certains de ses prédécesseurs, moins ambitieux sur le plan formel que Au revoir là-haut, Adieu les cons est une comédie dramatique plaisante et distrayante. Un film populaire au romantisme assumé et réceptacle de personnages identifiables car dans la « norme ». A défaut de faire porter un message fort à son film, Dupontel privilégie le réalisme et laisse de côté la rage dénonciatrice et décalée de ses débuts.