Présenté en sélection Un Certain Regard à Cannes, et à l’affiche actuellement, Les filles d’Avril changera radicalement le regard que vous portiez sur Emma Suarez, la gentille héroïne de Julieta.
Difficile de pitcher sans spoiler. Que dire ? L’histoire d’une très très jeune fille de 17 ans qui tombe enceinte et décide de garder l’enfant et de vivre avec son ami. Habitant chez sa grande-sœur, elle ne tient pas forcément à ce que leur mère, Avril, sache qu’elle est enceinte… Pourtant Avril a l’air très sympathique.
Michel Franco nous livre ici un film encore plus radical que Despues de Lucia, son chef d’œuvre. Ce qui met le plus à mal le spectateur dans ce film (et qui explique peut-être l’accueil froid des journalistes et festivaliers lors de la projection officielle) est l’impossibilité complète de pouvoir s’identifier à un personnage. On ne peut qu’assister, impuissant et en dehors, à une histoire qui transgresse tout, où l’immonde ne cesse de croître sous nos yeux, comme testant notre endurance émotionnelle et psychique à voir l’inconcevable. Le film est froid, désincarné, clinique mais aussi parfait, avec, comme on l’a dit, une incapacité totale à se sentir proche de quelque personnage que ce soit.
Le déni de Michel Franco quant à l’influence qu’a sur lui Michael Haneke tient plutôt de la mauvaise foi et de la blague. Tout est Hanekien dans ce film : des personnages inhumains, une transgression du supportable, des plans fixes, cliniques : un quasi copier coller du Grand Maître. Avec une gratuité qui en énervera certain. Idem pour sa fin en queue de poisson. Reste que ce film est un des meilleurs que vous puissiez voir cet été. Et qu’en dépit de l’accueil froid qui lui a été réservé il a obtenu le prix du Jury à Un Certain Regard. Du Grand Ouvrage. Malaisant.