Le pitch :
Fanny et Jean ont tout du couple idéal : épanouis dans leur vie professionnelle, ils habitent un magnifique appartement dans les beaux quartiers de Paris et semblent amoureux comme au premier jour. Cependant, lorsque Fanny croise par hasard Alain, ancien camarade de lycée, elle est aussitôt chavirée. Ils se revoient très vite et se rapprochent de plus en plus.
Comme Roman Polanski, Woody Allen subit rétroactivement (pour des faits dont on ne saura jamais s’ils sont avérés ou non) un statut de paria et trouve ses derniers soutiens en Europe. La France pour Allen et l’Italie pour Polanski. Aussi voilà Allen aux commandes d’un film français…
Autant prévenir tout de suite : hélas, en dépit notamment d’un casting intéressant et de moyens financiers conséquents, le film est une énorme déception.
Nous pouvons ainsi continuer la comparaison avec Polanski, l’immense cinéaste à la filmographie quasi parfaite et truffée de chefs d’œuvres, dont le dernier opus Palace a reçut de nombreuses mauvaises critiques lors du dernier festival de Venise – son humour polonais qui vira à la gaudriolle et à la farce façon Ruben Ostlung n’était visiblement pas du goût de tout le monde, au contraire de ce dernier. La différence est que Woody Allen, à l’instar de feu Chabrol, a toujours été extêmement productif, au rythme d’un film par an. Des œuvres écrites et tournées rapidement, ayant pour résultat une filmographie inégale.
Deux autres facteurs sont à prendre en compte. Premièrement quand un réalisateur tourne dans une langue qu’il ne maîtrise pas, le résultat est souvent peu probant. Ensuite, quand un réalisateur dépasse un certain âge, la qualité de ses films peut en pâtir. Citons notamment les tout derniers films de génies comme Hitchcock ou Clouzot, qui étaient mauvais, indignes de leur filmographie. (même si pour ce dernier L’enfer était une immense promesse).
Pourtant, Coup de chance reprend le principe du chef-d’œuvre d’Allen Match point, en simplifié, avec l’intention d’un traitement sur le ton de l’humour et de la légèreté.
Niels Schneider pour une fois déçoit, mal dirigé. Melvil Poupaud donne son maximum. Valérie Lemercier est aussi excellente dans son genre, à contre-emploi. Lou de Laâge incarne la belle jeune femme, figure récurrente dans les scénarios d’Allen, mais, tout comme pour Schneider, quelque chose ne prend pas, peut être du à son jeu tout en retenue et distance, plus effacé que ceux de ses partenaires à l’écran. Étrangement, son aura remarquable dans des films comme J’aime regarder les filles semble éteinte.
Allen manque son coup. Très difficile de s’attacher à ses personnages, trop stéréotypés et invités à évoluer dans un univers carte postale. Quoi qu’il arrive à deux d’entre eux des choses bien cruelles et irréversibles, l’émotion ne prend pas. Quand bien même Allen pourrait arguer qu’il s’agit, contrairement à Match Point, d’une comédie (noire), l’attachement aux personnages nous aurait été nécessaire.
Pour Femme fatale, la question avait été posée à Brian de Palma des raisons pour lesquelles il avait filmé un Paris gris, tant par son architecture que son ciel, il avait rétorqué : “Mais Paris est ainsi !”
Ici, Woody Allen nous ressert un Paris irréaliste, une carte postale des quartiers huppés. Un Paris de gens nantis. Où même les gens qui ne vivent de rien (le personnage de Niels Schneider) vivent dans des appartements qui leurs seraient parfaitement hors d’atteinte dans la réalité.
À noter que ce fameux appartement, nous l’avions déjà vu dans Tout le monde dit I love you : un logis faussement bohème, sous les toits, avec poutres apparentes, l’appartement idéal de Woody Allen. C’est Dominique Farrugia qui avait révélé cette information en révélant qu’il avait une habitation en tout point semblable et se réjouissait d’occuper en réalité l’appartement rêvé du réalisateur.
En plus de filmer une faune uniquement riche et blanche (dans tous les sens du terme), Allen les baigne dans une lumière dorée idyllique. Ce Paris, plus cliché et factice que les quartiers touristiques du Sacré-Cœur, nous l’avions déjà entr’aperçu dans d’autres films de Woody Allen, mais d’autres qualités venaient compenser cette irréaliste total.
Le film, simpliste, irréaliste ne nous arrache pas un sourire. Ni ne nous émeut. Et ressemble à une version simplifiée d’une des grandes œuvres du maître de la comédie New Yorkaise.
En somme ce n’est un coup de chance ni pour les spectateurs ni pour le réalisateur.