Avec « Un beau dimanche » Nicole Garcia nous propose un récit intime et ensoleillé.
Baptiste est instituteur dans le sud de la France. C’est un solitaire : il ne reste jamais plus d’un trimestre au même poste. Lors du week-end de la Pentecôte, il hérite d’un élève oublié par un père négligent. Mathias, c’est son nom, insiste pour passer la journée au bord de la mer.
Sans doute pour retrouver Sandra, sa mère, une belle femme un peu bousculée par la vie, qui fait les saisons dans un restaurant de plage. En une journée, le charme entre Baptiste et Sandra opère. Mais Sandra a des ennuis : elle doit de l’argent, ou se résoudre à un nouveau départ, une nouvelle fuite. Baptiste lui propose de l’aide et le trio imprévu prend la direction du Sud Ouest.
Car pour venir au secours de Sandra, Baptiste doit retourner à ses origines, à ce qu’il y a en lui de plus douloureux, de plus secret : sa famille.
Nicole Garcia s’était plutôt égaré avec « Un balcon à la mer » offrant une oeuvre assez fade, et formellement quelconque, au scénario emprisonnant et convenu, quoi qu’il fut assurément personnel.
Elle revient avec « Un beau dimanche » autrement plus abouti, au casting réunissant son fils Pierre Rochefort, Louise Bourgoin, mais aussi Dominique Sanda et Déborah François.
L’actrice-réalisatrice multi-récompensée aux Césars notamment, femme alerte et passionnée, aime parler de son nouveau film, aime le questionner avec les spectateurs. Lors de l’avant première du film aux Gaumonts de Rennes ce vendredi, peu importe la question, la réponse fut longue, construite en direct, réfléchie, théorique. Si l’exercice des rencontres avec le public ou avec la presse est généralement l’occasion de répéter chaque fois la même réponse aux même questions, on sent chez Nicole Garcia une envie de se détacher de cela, de communiquer avant tout sa passion autour de ce film, voire de se questionner elle même. Elle aime monopoliser la parole, se réapproprier les questions. Quand une question est adressée à Louise Bourgoin ou Pierre Rochefort, elle ne peut s’empêcher de répondre à leur place. Et son naturel prend parfois le dessus sur son goût de la réflexion; offrant quelques vérités très évidentes. Ainsi, lorsqu’une personne demande aux deux jeunes acteurs, pourquoi ils ont accepté le rôle, Nicole Garcia prend la parole, et les invite à répondre « Un très bon scénario »‘. Et son fils suivra, par obligation d’une certaine façon, en forme de boutade également, ne sachant quelle réponse apporter (refuse-t-on un rôle principal quand sa mère nous l’offre ?)
Effectivement, le scénario s’avère bien ficelé, étrange quant au sujet qu’il souhaite développer, semblant brouiller les pistes pour mieux y revenir. La toile se resserre, les portraits s’affinent au fur et à mesure du film, non sans mystère (euphémisme) et l’intrigue principale, la rencontre amoureuse, le romanesque, cher par ailleurs à Nicole Garcia, sert ce qui nous semble le véritable sujet, une réflexion à trois niveaux, la psychologie de Baptiste, la psychologie de sa famille, et la réflexion sociologique autour d’un modèle éducatif.
Nicole Garcia l’avouera à demi-mot, l’origine de ce projet est à chercher du côté de son acteur principal, de son fils, de son propre questionnement vis à vis de l’amour que l’on porte à un enfant, de ce que l’on désire pour lui, qu’il ne désire pas nécessairement pour lui.
Elle s’est également inspiré d’une « connaissance », qu’elle ne désignera évidemment pas.
Le regard posé est particulièrement juste, humain, sincère. Et cette impression nous vient probablement du jeu particulièrement fin de Pierre Rochefort. Il dégage de son jeu, outre le flegmatisme, certains diront une noblesse – héritage de son père Jean Rochefort ?- , un magnétisme, un charisme certain. Principalement lié à cette capacité à intriguer, à entretenir le mystère; mais également dans sa capacité à jouer des paradoxes; frêle voix douce, tendre; discrétion et modestie, mais aussi violence rentrée. Nombreux auraient été les acteurs qui auraient ruiné ce personnage.
Pierre Rochefort nous dira s’être inspiré de textes de Jean-Luc Lagarce sur la thématique du retour du fils, pour trouver son personnage
Nicole Garcia a vu ici très juste, et on ne saurait de fait lui reprocher le passe-droit, il serait très surprenant qu’on ne réentende pas parler de Pierre Rochefort.
Le reste du casting suit, avec peut être un peu moins de lumière, mais que ce soit Louise Bourgoin en serveuse du Sud de la France, mère rattrapée par ses envies de briller, ou Dominique Sanda en mère qui se confronte à ses regrets, et développe une philosophie mi-résignée mi-sage, tous contribuent à la justesse du récit, des portraits.
Louise Bourgoin avait, sur conseil de Nicole Garcia, pris soin de visionner Comme un torrent avec Shirley MacLaine, mais s’est également inspiré de la Dentellière pour préparer son personnage, pour rendre crédible l’intrigue amoureuse entre deux personnages de milieux opposés.
Si une spectatrice dans la salle a cru voir dans la présence de Dominique Sanda une référence à Une femme douce de Robert Bresson, pour notre part, la référence au Jardin des Finzi Contini de Da Sicca nous a semblé bien plus évidente.
La réalisatrice avoue également aimer tourner dans le Sud de la France pour sa lumière, et ses ombres. En cela, elle joue élégamment sur les parts d’ombre et de mystère des personnages. Elle choisit Montpellier, ville qu’elle connaît bien, et cela se voit.
La réflexion menée n’est pas simpliste, elle n’est pas non plus populaire. Elle questionne un modèle d’éducation, une condition de vie qui n’est pas donnée à tout à chacun. Le temps de la narration sert parfaitement celle-ci. Tout à la fois lent et vif, concentré sur un week-end de pentecôte, suffisant pour découvrir toute une biographie de nos deux personnages principaux.
De cette justesse naît l’émotion, l’empathie, le beau film.