Dernier né de la maison Dreamworks, Baby Boss s’affirme comme le nouveau film d’animation mainstream (grand public) de ce début d’année 2017. À l’instar de Cigognes et compagnies (Nicholas Stoller, Doug Sweetland, 2016), le film de Tom McGrath (la trilogie des Madagascar, Megamind) interroge avec humour la question de la naissance et du lien familial. Ces problématiques, toutes aussi bien civilisationnelles qu’existentielles, permettent de toucher un public élargi (les enfants, certes, mais pas seulement), tout en revenant de façon bienvenue à l’esprit originel de la société Dreamworks. Le Mag Cinéma vous livre son avis.
Beaucoup de temps forts, peu de temps morts, et, de surcroit, distillés avec soin. Le tempo très relevé de Baby Boss saura capter l’attention du public. En décomposant la structure de leur film en différents épisodes concomitants, McGrath et son scénariste Michael McCullers prolongent les qualités du format tout en profitant de la dimension épique propre au long métrage. On retiendra ainsi la présence de moments reliés mais néanmoins indépendants : l’arrivée du bébé, l’enquête entreprise contre une société animalière, le départ et le séjour à Las Vegas ; un ensemble d’éléments traversés et travaillés par l’évolution de la relation fraternelle (passant de la haine à l’amour intéressé puis sincère).
Loin de tomber dans le brouillon, cette structure assume ses autonomies pour assurer l’édification d’un spectacle porté par une vitesse confondante. On aurait pu craindre que cette valeur rythmique sombre dans le répétitif ou à l’intérieur d’une amplification inutile. Écueil évité avec succès, Baby Boss maintenant tout du long l’intérêt du spectateur pour son récit joyeusement émaillé. Remarquons par ailleurs que McGrath est parvenu à contenir la tendance actuelle de l’animation pour la citation et le clin d’œil cinéphile. Si références culturelles et cinématographiques répondent à l’appel (des clones d’Elvis à la reprise de certains codes visuels du cinéma d’horreur contemporain), celles-ci, à l’image de la forme générale du film, profitent d’une tempérance de bon ton.
L’ensemble de ces éléments affilient Baby Boss à la tradition du cartoon (terreau d’origine de la société Dreamworks, productrice de la série télévisée Toonsylviana et dont le plus connu des fondateurs, Steven Spielberg, fut à l’origine du projet des Animaniacs). Le caractère irrévérencieux du héros rappelle celui du Baby Herman de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (Robert Zemeckis, 1988), tandis que la fabrique des bébés semble tout droit sortie d’un court métrage de Tex Avery. Si le (plutôt réussi) Vaiana (2016) de Disney jouait la carte de l’exotisme, Baby Boss délimite son cadre à l’intérieur d’un espace familier qu’il décrit à travers un humour anarchique.
L’imaginaire enfantin apparaissant comme une caution, le home, sweet home se transforme en un territoire tenant à la fois de la cour de jeux et de la cellule capitonnée. Il y a donc un aspect critique que résume à lui seul le costar cravate dont est affublé le nouveau-né. Le film semble s’inspirer directement de l’Amérique des fifties, décennie qui marque l’âge d’or des cartoons, pour en fustiger l’esprit et dresser des parallèles avec notre époque contemporaine. L’abandon de l’entreprise va de pair avec la réconciliation familiale, un discours implicite, et donc jamais lourdement appuyé, qui s’accorde avec la dimension pédagogique propre au domaine du cinéma d’animation.
À ces différentes réussites s’ajoutent de nombreuses qualités propres à la forme du film, avec un point supplémentaire pour les séquences réalisées en animation traditionnelle dont la structure géométrique très marquée, ainsi que la symbolique ne sont pas sans évoquer les génériques réalisés par Saul Bass pour les films d’Alfred Hitchcock ou d’Otto Preminger. Baby Boss se présente donc comme un objet original, reprenant à son compte les codes habituels du genre tout en s’en démarquant habilement. À conseiller aux familles, mais aussi à tous les amoureux d’un humour débridé et jubilatoire.