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Leurs enfants après eux – Un film d’atmosphère

Avec: Paul Kircher, Angelina Woreth, Sayyid El Alami, Gilles Lellouche, Ludivine Sagnier, Anouk Villemin, Louis Memmi, Anaïs Demoustier, Louise Lehry, Christine Gautier

Août 1992. Une vallée perdue quelque part dans l’Est, des hauts-fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a quatorze ans, et avec son cousin, pour tuer l’ennui, il décide de voler un canoë et d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence.

Cette production française a assez gros budget présente bien des défauts qui d’ordinaire nous rebutent et l’emportent sur tout autre jugement. Ainsi, nous pourrions être tenté de le rapprocher, et ce serait en soi une belle erreur, de l’insipide et creux (mais techniquement parlant valable) L’Amour Ouf. Oui, Leurs enfants après eux aurait tout pour nous déplaire, si l’on s’arrêtait sur certains détails: une facture grand public, un acteur principal (Paul Kircher) sans charisme voire déplaisant, qui nous détache totalement du personnage, des choix musicaux populaires, parfois même franchouillards qui nous rappellent la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques, une scène finale pénible, qui nous semble sortie de nulle part – et à contre-sens de la note principale du film, une accélération soudaine de la dramaturgie dans le deuxième tiers qui ne prend pas, des anachronismes dans la reconstitution de l’époque (une bière 8 6 par exemple qui traîne par ci, par là, des expressions qui n’existaient pas encore à l’époque, …).

Oui, mais voilà, à côté de cela, la grosse machine prend, au contraire de l’Amour Ouf (qui lui a de bons choix musicaux, un peu moins mainstream). La sincérité du geste, mais aussi sa maîtrise, l’emporte sur tout le reste. Très rapidement, une atmosphère très particulière s’installe, celle de ces quelques films qui parviennent à émouvoir par le spectre du souvenir, du regard d’un enfant, du jeu qui peut être fait autour de la nostalgie, voire de la mélancolie, qui parvient à faire ressortir quelques beaux instants d’un paysage en apparence attristant, à l’instar de Cinema Paradisio, Toto le héros, Les noces barbares, Uranus, Les beaux gosses, in the mood for love, un amour de jeunesse, Léolo, Diabolo Menthe, Les 400 coups pour citer quelques belles réussites qui déployaient peu ou prou la même recette, dans des styles pouvant être diamétralement opposés. Ces quelques films qui parviennent à nous transporter dans un temps certes révolu, mais qui résonnent pourtant tellement avec le présent, des temps fondateurs, qui s’attachent principalement à nous transposer dans un univers qui peut nous sembler familier, à nous immerger avec les personnages principaux non pas dans une quête, mais dans une atmosphère installée, distinctive et évocatrice par elle même de tant d’impasses, de douleurs, de destins brisés.

Leur enfants après eux s’installe et rapidement nous captive, par la douceur de l’image, la mélancolie de tous les plans, la qualité colorimétrique et l’élégance des mouvements de caméra et des transitions, la parfaite utilisation de la musique pour rythmer l’histoire, voire la nourrir d’un sens caché (on se surprend même à trouver un sens à une chanson de Cabrel !). Il séduit aussi par son très bon casting hormis Kircher, disions-nous: Gilles Lellouche, lui encore, très bon dans son rôle de beauf violent, Ludivine Sagnier très intéressante en maman protectrice un peu dépassée, mais aussi tout le casting adolescent. Il finit de nous hypnotiser enfin en inscrivant ce récit familial en apparence simple dans un territoire multi-dimensionnel , qu’il soit géographique (Epinal, les lacs vosgiens), social (les faubourgs, la frange populaire mais aussi la bourgeoisie locale en contraste, le rapport à l’emploi, les premières vagues d’immigration et la cohabitation), mais aussi cinématographique (le récit d’apprentissage, le film d’adolescent doux-amer, la fresque romantique et le western !). Réussite d’autant plus étonnante que les frères Zoukherma avaient séduit quelques uns d’entre nous (nous étions divisé) dans un style bien différent, avec Teddy, et que le rapprochement entre les deux films n’est pas des plus immédiats …

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