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Des hommes de Lucas Belvaux

Ils ont été appelés en Algérie au moment des « événements » en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d’autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presque rien, d’une journée d’anniversaire, d’un cadeau qui tient dans la poche, pour que quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.

Des hommes nous a divisé. Probablement en ce qu’il traite d’un sujet ô combien délicat, et qu’il assume une forme déroutante pour certains, admirable pour d’autres. Parmi les parti-pris pas si fréquents, la sur-écriture, que l’on rencontre par exemple chez Mouret dans un tout autre registre, peut donner du relief au récit comme il peut le noyer dans des considérations alambiquées. Le film propose de fait un véritable récital de portraits et une galerie de points de vues assez vertigineux. Certains s’offusquent précisément de cette profusion, quant par ailleurs l’image, les cadres sont relayés au second plan et se font bien plus ordinaires. Rarement aussi un réalisateur aura cherché à autant explorer les possibilités de la voix off, pour un résultat qui va crescendo pour qui se laisse embarquer.

Lucas Belvaux assume pleinement son sujet, et ne craint pas de livrer un récit qui mêle des opinions contraires, au point de taire pleinement le regard du réalisateur, son opinion politique que l’on questionne avec lui.

Le sujet politique est au cœur du récit, mais une composante s’invite également pour qui veut bien la voir. Métaphysique, mystique elle interroge l’Homme tout simplement, dans sa dimension balzacienne, Belvaux rappelant à l’occasion qu’il fut un enfant de la Nouvelle Vague, qu’on l’avait découvert acteur chez Chabrol, avec qui il partage cette passion pour interroger la nature double sinon multiple de l’homme. Ce n’est nullement un hasard s’il s’est reposé sur un duo composé de Depardieu, l’ogre à la sensibilité exacerbée par excellence, et Darroussin, qui comme nul autre sait se jouer des apparences pour donner à son personnage une part de secret enfouie, qui, intérieurement, le ronge et le gouverne.

Pour autant, Lucas Belvaux s’est trompé sur un point. Guillaume Depardieu n’étant plus de ce monde, trouver un double à Gérard Depardieu, trouver un acteur capable de l’incarner jeune était un pari quasi impossible. Sans démériter, Yoann Zimmer s’y essaye sans nous convaincre, probablement car seul G. Depardieu (Jeune pour Gérard, vivant pour Guillaume) pouvait en avoir les épaules.

Des hommes secoue les consciences, ravive un sujet toujours hautement politique, jamais complètement assumé, ou à demi-mot, probablement l’un des plus grands non dits de l’Histoire de France. Dans l’époque troublée que nous vivons, où les opinions les plus nauséabondes trouvent place de manière récurrente dans les débats incessants qui sévissent sur des médias relais de la bêtise ambiante, en ce qu’elle paye bien (au clic, à la vue, au buzz), Lucas Belvaux fait preuve de courage à s’attaquer à ce sujet. Il sera accusé d’être de droite, comme il sera accusé de prendre une position antimilitaire, sans nul doute. Le plus grand des troubles que le film propose réside pourtant dans son titre, volontairement ambigu: Des hommes. Lucas Belvaux ,lui même, revient avec nous sur les différents sens qu’on peut y voir.

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