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Ciné-concert – The wicked darling (1919, Tod Browning)

Comment maintenir le lien avec son public festivalier en temps de fermeture des salles de cinéma ? Les organisateurs de l’Arras Film Festival ont opté pour l’organisation de ciné-concerts. Un choix original qui ne peut que ravir les cinéphiles passionnés de cinéma muet. Leur chaîne Youtube #ArrasFilm permet ainsi l’accès libre au dernier ciné-concert en date visant à célébrer The wicked darling réalisé en 1919 par Tod Browning et dont il est question ici.

Une jeune fille sans-le-sou est contrainte de voler pour survivre. Après avoir dérobé le collier d’une femme issue de la haute société, elle se cache chez un homme qui s’avère être l’ex-fiancé de la femme qu’elle vient de voler.

L’édition 2020 programmée en novembre dernier de l’Arras Film Festival n’a pu avoir lieu à cause d’une crise sanitaire qui maintient les salles de cinéma fermées depuis de longs mois. De cette annulation est né un projet de ciné-concert. Le film projeté sur l’écran sera The wicked darling dont le titre français est Fleur sans tache. Cette réalisation de Tod Browning est rare et fut même un temps considérée comme perdue.

Ce film réalisé en 1919 appartient par conséquent au cinéma muet. Il restait donc à relever un défi : créer un accompagnement musical qui viendrait mettre en relief le récit de Evelyn Campbell sur lequel Harvey Gates et Waldemar Young ont collaboré à l’écriture du scénario. En chef d’orchestre de cette création d’un accompagnement musical officie le compositeur et pianiste Jacques Cambra. Nos lecteurs les plus fidèles ne sont pas sans savoir qu’il est aussi un fidèle partenaire en cette qualité de pianiste-compositeur du festival La Rochelle cinéma, autre festival consacrant toujours une partie de sa programmation au cinéma de patrimoine.

C’est donc sous la houlette de Jacques Cambra qu’un groupe de onze jeunes musiciens a été constitué parmi les élèves du Conservatoire à Rayonnement départemental d’Arras. Ainsi, la partition piano tenue par Jacques Cambra s’est vue agrémentée de sonorités émises par des instruments principalement à vent (trois saxophones auxquels se joignent une clarinette et une trompette) ou à cordes (trois violoncelles accompagnés d’un violon et d’une contrebasse). Un long travail de composition s’engage alors dont l’un des objectifs était d’accompagner musicalement l’entièreté du film. Puis vint l’exercice final pratiqué en « semi-improvisation » devant l’écran où les photogrammes et les intertitres de The wicked darling défilent.

L’expérience est alors filmée et enregistrée dans les conditions du direct dans la salle de cinéma où les musiciens ont pris place et dans laquelle est projetée le film. Si les fauteuils et strapontins restent inoccupés, l’avant-scène est peuplée par le jeune orchestre. Le ciné-concert donné à voir par l’Arras Film Festival est un montage entre le film de Tod Browning et des plans de coupe embrassant l’orchestre dans son entièreté ou quelques-uns de ses musiciens. Le montage technique pratiqué est habile car il permet de conserver sans trop la dénaturer l’atmosphère instaurée par la réalisation de l’auteur de Freaks (1932).

The wicked darling ne figure pas parmi les œuvres les plus connues et réputées du cinéaste américain qui fut le premier en 1931 à livrer un Dracula au cinéma parlant. Ce film est avant tout méconnu car il a été longtemps considéré comme disparu. C’est d’ailleurs un statut qu’on peut appliquer à un large pan de la filmographie du cinéaste américain trop souvent réduit à la réalisation, remarquable, de Dracula puis de Freaks devenu culte. Le cinéma à l’ère du muet de Browning est plus méconnu car, notamment, disparu pour une part difficilement mesurable. Globalement, les films muets de Browning demeurent rares et donc à découvrir à l’image de ce The wicked darling.

Fleur sans tache, puisque c’est son titre français, louvoie entre film de gangsters et mélodrame. Une hybridation qui, sans être commune, n’était pas rare au tournant des années 1910. A l’écran, ce mélange de genres est plutôt bien appréhendé par le cinéaste. La mise en scène n’intègre certes aucune inventivité mais son dynamisme accompagne la plongée proposée dans les bas quartiers. L’autre point d’intérêt de ce film n’excédant pas l’heure de métrage réside dans les rôles principaux incarnés par Priscilla Dean et Lon Chaney. Ce dernier signe ici sa première collaboration connue avec Browning. Une dizaine d’autres suivront durant la décennie 1920 pour cet acteur, icône du cinéma muet.

Pour voir ou revoir ce ciné-concert :

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