Michèle fait partie de ces femmes que rien ne semble atteindre. À la tête d’une grande entreprise de jeux vidéo, elle gère ses affaires comme sa vie sentimentale : d’une main de fer. Sa vie bascule lorsqu’elle est agressée chez elle par un mystérieux inconnu. Inébranlable, Michèle se met à le traquer en retour. Un jeu étrange s’installe alors entre eux. Un jeu qui, à tout instant, peut dégénérer.
La palme pour un thriller ? Jamais nous aurions pensé ne serait-ce que qu’émettre une telle idée … Mais cette année cette idée nous a traversé l’esprit avec Elle, parce que ce thriller là n’est pas tout à fait comme les autres … et pourtant, la plus grande interrogation nous animait lorqu’en Sélection Officielle Thierry Frémaux a annoncé la présence de Paul Verhoeven.
Ne mentons-pas pour nous Verhoeven était le réalisateur de 2 bons films, le sulfureux Basic instinct qui apportait un souffle nouveau – ou de renouveau – sur la production américaine de l’époque, que ce soit pour son atmosphère érotisante comme son intrigue policière, à un degré moindre pour sa mise en scène un tant soit peu sophistiqué, mais aussi – et surtout – le créatif Total Recall, qui, comme Blade Runner, fait partie de ces films d’anticipation qui ne se contentent aucunement d’en mettre plein la vue, mais comportent dans leur scénario de bien belles projections. 2 bons films parmi 30. Surtout, depuis Basic Instinct, le moindre que l’on puisse dire est que sa filmographie ne comprend pas que des chefs d’oeuvre – sic.
Alors, oui, nous étions curieux, d’autant plus, qu’on lui a proposé ce projet « Elle » façon paquet cadeau comprenant un scénario, un vrai – le livre de Philippe Djian Oh…- et un casting français première classe, emmené par la très productive mais oh combien pertinent dans ses choix Isabelle Huppert, entouré par Laurent Lafitte, Anne de Consigny, Charles Berling, Virginie Effira, Vimala Pons, Alice Issaz ou encore Jonas Bloquet.
Sa place en Sélection Officielle du festival de Cannes se devait donc donc soit à une qualité exceptionnelle, soit à un geste de sympathie envers un réalisateur qui effectue un retour au premier plan, soit à un arrangement entre producteurs et comité de sélection.
La réponse, vous l’aurez anticipé, et vous pourrez le constater si vous vous rendez dans les salles dés ce mercredi, est bien la qualité cinématographique du projet. Il s’agit certes avant tout d’un exercice de style mais « Elle » bénéficie d’une qualité indéniable; il est parfaitement incongru. Son rythme semble très étudié, il est, disons-le très bon – et ce n’est pas un mince compliment tant les films en sélection à Cannes pêchent souvent sur ce point.
L’adaptation d’un roman est tout un art. C’est certainement plus facile quand l’écrivain a un style fait pour le grand écran, comme Sebastien Japrisot ou ici Philippe Djian. D’ailleurs, ce dernier en conférence de presse à Cannes a été interrogé pour savoir s’il reconnaissait ses personnages dans l’adaptation qu’en propose Paul Verhoeven. Après avoir rappelé qu’il considérait que ses personnages ne lui appartenaient aucunement, il a poursuivi en félicitant le réalisateur pour leur avoir donner une incarnation plus forte encore que ce que lui n’avait imaginé.
Si nous sommes en apparence très loin de la poésie frontale d’un 37°2 le matin du même auteur, nous en trouvons quelques relents, que ce soit un regard bienveillant envers l’anticonformisme, ou la qualité et la densité des dialogues. Verhoeven y a mis probablement sa patte en matière de thriller, précisant que ses premières orientations étaient par trop américanisantes et qu’il avait tenu à rectifier le tir, lassé des super-héros si loin de toute réalité et de toute aspiration contemporaine.
Ces éléments savamment distillés, et par leur intensité, produisent un plaisir véritable au spectateur, qui pourra se laisser embarquer soit par l’intrigue, soit par l’humour, le plus souvent basé sur la perversion si magistralement innocenté par une Isabelle Huppert des grandes heures – celle vue chez Haneke notamment. Le tout est malin assurément. Incongru nous paraît le qualificatif le plus approprié et qui résume le mieux ce que l’on vous donne à voir.
Verhoeven en conférence de presse cite, en référence l’ayant inspiré, La règle du jeu.
Pas faux, et well done !