Né en 1943 à Austin (Texas), Tobe Hooper débute sa formation au sein du département audiovisuel de l’Université du Texas, avant de travailler comme opérateur pour la télévision. Le jeune homme grandit dans un état tiraillé entre son puritanisme ambiant et la progressive désagrégation de l’American dream (de l’assassinat de Kennedy à Dallas en 1963 aux mouvements contre-culturels des années soixante en passant par les images terrifiantes de la guerre du Vietnam diffusées chaque soir lors du journal télévisé). Si cette ambiguïté n’apparaît pas clairement dans l’expérimental Eggshells (1970), son premier long métrage, on la retrouve au cœur de son second : Massacre à la tronçonneuse (1974).
Film-pivot du cinéma d’horreur des années soixante-dix, Massacre à la tronçonneuse a longtemps profité de sa réputation sulfureuse. Présenté à la Quinzaine du Festival de Cannes en 1975, le film remporte le prix de la critique lors de l’édition 1978 du Festival du film fantastique d’Avoriaz, un soutien qui ne l’empêchera pas d’être interdit en France pendant huit ans (le public britannique devra quant à lui attendre 1999 pour découvrir le film en salles !) On aurait pourtant tort de limiter la qualité du film à son statut d’oeuvre scandaleuse. Porté par son image granuleuse, son montage abrupt et sa bande-sonore proche d’une musique concrète, Massacre à la tronçonneuse énonce un discours sérieux et conscient sur la violence, la culpabilité et la mort. La forme du cercle (soleil éblouissant et mouvement de la fameuse tronçonneuse) apparaît comme un motif primitif, ponctuant la temporalité mythique du massacre. À la fois profondément contextuel et hors du temps, le film apparaît, in fine, comme l’arbre qui cache la forêt.
Car derrière le masque funeste du tueur Leatherface, se dissimulent de nombreux films de qualité. Songeons à l’exigence formelle du Crocodile de la mort (1977), au grotesque macabre et sublime de The Funhouse (1981), à l’efficacité dramatique du téléfilm Les Vampires de Salem (1979). Tobe Hooper, l’homme d’un seul film ? Loin s’en faut.
À l’instar de John Carpenter, Hooper eut du mal à prolonger ses succès des années soixante-dix. Poltergeist (1982) semble plus appartenir à son célèbre producteur Steven Spielberg, tandis que Lifeforce (1986) ne provoque qu’une appréciation en demi-teinte. À bien des égards, la distanciation comique de Massacre à la tronçonneuse 2 (1986) peut aujourd’hui apparaître comme une réaction de Hooper à l’égard d’une industrie qui ne considère le cinéma d’horreur que comme un moyen d’aseptiser les sens, d’engranger des suites et des bénéfices. Reléguée au marché vidéo jusqu’à Mortuary (2005), son avant-dernier film, son œuvre porte les séquelles du traitement impitoyable imposé par les majors au genre fantastique.
La nuée de louanges qui accompagna la restauration 4K de Massacre à la tronçonneuse en 2014 prouvent que la figure de Hooper n’a jamais cessé de hanter la production horrifique contemporaine. Parmi ses héritiers, Rob Zombie semble être le plus doué et le plus assidu. De La Maison des mille morts (2003), relecture réussie du film matriciel de Hooper, à 31 (2016), Zombie ne cesse de prolonger les thématiques de prédilection de celui qui fut et restera le maître de l’horreur à l’américaine.
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Aux lecteurs qui voudraient plonger plus à fond dans l’univers de Hooper, nous leur conseillons la lecture de l’excellent Les territoires interdits de Tobe Hooper de Dominique Legrand, publié chez Playlist Society en 2017.