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Six pieds sur terre de Karim Bensalah

Un film de Karim Bensalah

Avec: Hamza Meziani, Kader Affak, Souad Arsane, Mostefa Djadjam, Magdalena Laubisch, Abbes Zahmani, Karina Testa

Sofiane, fils d’un ex-diplomate algérien, a beaucoup voyagé. Installé à Lyon pour ses études, il est victime d’une décision administrative et vit sous la menace d’une expulsion. Dans l’espoir de régulariser sa situation, il accepte de travailler pour des pompes funèbres musulmanes. Entre les fêtes, les rencontres et son emploi, Sofiane va se découvrir dans un parcours initiatique qui le conduira à construire sa propre identité et passer peu à peu vers l’âge adulte.

Un film porté par la bonne humeur, l’énergie communicative de son acteur principal, et qui pourrait à ce titre être considéré telle une comédie « feel good », si le film ne se perdait pas entre ses différentes thématiques. Si le rapport au père, le récit d’apprentissage de la vie d’un jeune adulte qui n’a pas grandi, ou l’aventure amoureuse a de quoi nous séduire en soi, le message véhiculé, à l’image des valeurs actuelles d’une France très rance, a plus de quoi déranger que d’interroger. Certes, Karim Bensalah esquisse une réconciliation entre un jeune homme, enfant pourri-gâté, qui ne se comporte pas bien au sens où les plus radicaux du Coran l’enseigne (le jeune homme qui se drogue, fait la fête, perverti par la société …), qui n’accepte pas dans un premier temps de faire un travail difficile, et de travailler aux côtés de son exact opposé: un homme âgé, intègre, austère et bien plus exigeant qu’il ne peut l’être lui-même, un homme qui a des idéaux et des valeurs, et qui s’y restreint, loin des conventions et des amusements. Cette rencontre entre un jeune optimiste, naïf et insouciant, et un homme blasé, qui ne se fait plus d’illusions, qui débute mal, s’avérera au final le moteur même du film. Parce qu’un accident de la vie (une OQTF) oblige le jeune homme à se dévoyer de ce en quoi lui croyait, une vie dans le mensonge pour s’intégrer au mieux et jouir des même plaisirs que ses amis « blanc », loin des choix faits par d’autres tunisiens qui font le choix de vivre en communauté, à la tunisienne. Le réalisateur nous indique donc que la rédemption, le salut, passe en fait d’une part par la valeur travail, le fait de consentir à des sacrifices au travail, à se construire par le travail, et d’autre part, par un rapprochement avec des valeurs d’austérité, un sérieux dans la vie qui apporte son lot de garanties, là où la débauche mènerait à la catastrophe. Elle passe même par se réintéresser à la religion, et au courant, même si cet aspect des choses sera juste susurré au hasard d’un dialogue et d’une scène, en apparence, telle une anecdote (qui n’en est pas une).

Pour une comédie qui démarrait plutôt sur un ton enjoué, ce regard par trop moralisateur, sans nuance ni subtilité, sonne telle une fausse note majeure. Dommage, car à côté de cela, le film aurait pu davantage développer les histoires d’amour embryonnaires mais plus intéressantes sur le rapport à l’autre, et parfois les mauvaises raisons qui font qu’une personne s’intéresse à une autre (ici l’observation est intéressante, et les deux actrices très intéressantes par leur composition, et le sourire qu’elles apportent au récit – et à notre héros), ou au contraire, la dimension sociale du film, la condition difficile des personnes menacées d’expulsion; les questions sous-jacentes au racisme ordinaire, les manquements de la France dans sa politique d’intégration et à considérer tous les français sur le même plan, peu importe leur origine.

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